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Un bijou à Favart : Le Domino noir

Paris
Opéra Comique
03/26/2018 -  et 28*, 30 mars, 1er, 3, 5 avril 2018
Daniel-François-Esprit Auber: Le Domino noir
Anne-Catherine Gillet (Angèle), Cyrille Dubois (Horace), Antoinette Dennefeld (Brigitte), François Rougier (Juliano), Marie Lenormand (Jacinthe), Laurent Kubla (Gil Perez), Sylvia Bergé (Ursule), Laurent Montel (Lord Elfort), Olivier Déjean (Melchior), Valérie Rio (La tourière), Anna Beghelli, Sandrine Chapuis, Margaux Dufour, Mikaël Fau, Gaëtan Lhirondelle, Guillaume Rabain (danseurs)
accentus, Christophe Grapperon (assistant musical et chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Patrick Davin (direction musicale)
Christian Hecq, Valérie Lesort (mise en scène), Laurent Peduzzi (décors), Vanessa Sannino (costumes), Christian Pinaud (lumières)


A. Dennefeld, A.-C. Gillet, C. Dubois (© DR Vincent Pontet)


Le Domino noir ou la quintessence de l’opéra-comique. Benvenuto Cellini ou le grand opéra transcendé. Est-ce un hasard si les partitions d’Auber et de Berlioz, créées en 1837 et 1838, se trouvent en même temps à l’affiche, à Bastille et à Favart ? Belle occasion de renouer avec l’esprit d’une époque. Mais là où l’Opéra échoue plus ou moins, l’Opéra-Comique réussit en tout point – c’est une coproduction avec l’Opéra royal de Wallonie et le spectacle, que reprendra Lausanne en 2021, a déjà été donné à Liège.


Pas facile, pourtant, de garder le ton juste dans cette histoire de jeune homme cherchant à retrouver une belle inconnue, croisée au cours d’un bal de Noël et cachée sous un domino noir, qu’il revoit au suivant mais qui s’enfuit sans révéler son identité. Elle doit à vrai dire devenir abbesse d’un couvent et se divertit une dernière fois avant d’entamer sa nouvelle vie. Tout s’arrangera évidemment, après quiproquos et péripéties, lorsque la reine d’Espagne, dont elle est la nièce, déliera Angèle de ses vœux. Sur un livret de l’inépuisable Scribe, Auber a composé une œuvre pétillante ou touchante, qui charma Berlioz et s’imposa très vite au répertoire de l’Opéra-Comique. On en connaissait surtout la fameuse Ronde aragonaise, brillante espagnolade cousue main pour la fameuse Laure Cinti-Damoreau, et il fallut attendre Richard Bonynge pour qu’on découvre, grâce à Decca, l’ensemble de la partition.


Le Domino noir ne se défend que chanté par des interprètes rompus au style français – et donc à la prosodie de la langue, d’autant plus qu’il faut assumer les dialogues parlés inhérents au genre. C’est là où l’Opéra-Comique a visé juste. Cyrille Dubois, dont la voix s’est corsée sans perdre sa souplesse et sa rondeur, est idéal en Horace éperdu, comme Anne-Catherine Gillet en facétieuse Angèle, avec son timbre fruité et sa vocalise agile. Marie Lenormand, qui fut ici une si émouvante Mignon, s’est faite ici cuisinière très en chair et truculente. Annette Dennefeld fait de Brigitte, l’amie d’Angèle, un personnage, et Laurent Kubla, le concierge du couvent, n’a besoin que d’un air pour s’imposer. Patrick Davin plie efficacement les musiciens du Philhar’ à une musique dont ils sont peu familiers et pas forcément très épris, mais sans assez faire pétiller le champagne de la musique d’Auber.


Christian Hecq et Valérie Lesort signent une production pleine de verve et de fantaisie, fourmillant de trouvailles. De superbes et improbables costumes habillent les chanteurs, avec de très amusantes références aux oiseaux – Horace a des papillons sur son haut-de-forme, son ami Juliano déploie une roue de paon, le chapeau d’Angèle est un cygne noir. Au premier acte, derrière une énorme horloge, dont Juliano truque le mécanisme pour aider Horace, des marionnettes géantes donnent au bal de Noël un air de carnaval. Au deuxième, un cochon de lait s’animera sur la table du repas, comme au troisième, les gargouilles du parloir du couvent. C’est bigarré, visuellement très beau, parfaitement réglé, avec parfois un côté comédie musicale et une chorégraphie à l’avenant. On sait gré, surtout, au tandem Hecq-Lesort de coller parfaitement à la musique et de ne jamais forcer le trait – à la différence de Denis Podalydès dans Le Comte Ory : la coquinerie n’est pas vulgarité, notamment au troisième acte, où les religieuses pourraient inspirer des gauloiseries potaches. Cerise sur le gâteau : les dialogues parlés sont crédibles, pas seulement du côté des comédiens – Sylvia Bergé en Ursule, qui obtiendra le titre d’abbesse qu’elle enviait tant à Angèle, Laurent Montel en Lord Elfort, le diplomate jaloux habillé en porc-épic, à l’impayable accent british. Christian Hecq et Valérie Lesort signent leur première mise en scène lyrique : coup d’essai, coup de maître.



Didier van Moere

 

 

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