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Réveil réussi d'un péplum Marseille Opéra 03/23/2018 - & 25, 28, 30 mars 2018 Jules Massenet: Hérodiade Béatrice Uria-Monzon (Hérodiade), Inva Mula (Salomé), Jean-François Lapointe (Hérode), Bénédicte Roussenq (la Babylonienne), Florian Laconi (Jean), Nicolas Courjal (Phanuel), Jean-Marie Delpas (Vitellius), Antoine Garcin (le Grand Prêtre), Christophe Berry (la voix du temple)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille, Emmanuel Trenque (chef du chœur), Victorien Vanoosten (direction musicale)
Jean-Louis Pichon (mise en scène), Jérôme Bourdin (décors et costumes), Michel Theuil (lumières), Laurence Fanon (chorégraphie), Georges Flores (vidéo)
(© Christian Dresse)
On salue l’Opéra de Marseille pour son exploration méritoire d’un répertoire français peu fréquenté: après Bérénice d’Albéric Magnard (1865-1914) il y a quelques années, ou, du même Massenet, Cendrillon en 2009, et Cléopâtre en 2013, la vénérable maison marseillaise réveille Hérodiade, endormi dans la cité phocéenne depuis 1966.
Inspiré de Hérodias, l’un des Trois contes de Flaubert, l’œuvre monumentale de Massenet, créée à Bruxelles en 1881, raconte grosso modo la même histoire que la Salomé de Richard Strauss, la profondeur en moins, le grandiose en plus. L'action d’Hérodiade prend de grandes libertés avec la tradition biblique. Ici, Salomé aime passionnément Jean; ne pouvant le sauver, elle voudrait mourir avec lui. Sa mère, Hérodiade, ne se fait reconnaître d’elle qu’au moment où le prophète ayant été supplicié, Salomé tente de la tuer. Retournant le couteau contre elle-même, la jeune fille se donne la mort.
La mise en scène de Jean-Louis Pichon, sans faire dans la superproduction, rend compte de l’atmosphère grandiose des sept tableaux: décor monumental aux lignes épurées fait de vastes lamelles de bois, pareilles à des stores vénitiens, direction d’acteurs soignée, foule nombreuse mais un peu trop statique, l’ensemble est émaillé d’une chorégraphie discrète assez plaisante. Les projections de fond de scène, mur de prison, ciel tourmenté, et les éclairages saisissants de Michel Theuil soulignent le pessimisme ambiant et cette vision de l’échec que Flaubert n’aurait sans doute pas désapprouvés. Les costumes sont intemporels, dans des tons sable pour la foule, et vieil-or pour les protagonistes. Belle réussite visuelle dont se dégage une force dramatique notoire.
La distribution vocale, à l’exception d’Inva Mula, est française et les prestations sont d’excellent niveau. En Salomé, l’Albanaise semble un peu dépassée par le rôle et la puissance de l’orchestre au premier acte, mais elle gagne en confiance et sa caractérisation du personnage, son engagement vocal finissent par séduire, en dépit d’une prononciation du français qui laisse franchement à désirer. Béatrice Uria-Monzon est une Hérodiade de qualité, altière et autoritaire. La voix affirme toujours sa puissance, son médium aux couleurs de rêve, et ses graves détimbrés. Chez les hommes, c’est le luxe. On ne sait, de Florian Laconi dans le rôle de Jean, de Jean-François Lapointe en Hérode, de Nicolas Courjal (Phanuel), ou de Jean-Marie Delpas (Vitellius), auquel décerner la couronne de laurier. Tous quatre sont exemplaires dans cette œuvre très exigeante: noblesses du chant et du style français, articulation dont on ne perd pas une miette, vaillance, phrasé accompli.
Autre triomphateur de la soirée, le chœur excellemment préparé par Emmanuel Trenque. Mais il y avait aussi l’Orchestre de l’Opéra, très inspiré hier soir, nous livrant un son d’une grande beauté, cuivres brasillants et cordes graves soyeuses. L’ensemble sous la baguette irréprochable de Victorien Vanoosten qui dirige ses quatre-vingts musiciens avec énergie et précision, mais surtout une authentique fidélité à Massenet. Tous nous ont bercés d’une ivresse sonore qui n’a pas échappé au public.
Christian Dalzon
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