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Une grande soirée verdienne

Dijon
Auditorium
03/14/2018 -  et 16*, 18, 20, 22 mars 2018
Giuseppe Verdi : Simon Boccanegra
Vittorio Vitelli (Simon Boccanegra), Keri Alkema (Amelia Grimaldi), Luciano Batinic (Jacopo Fiesco), Gianluca Terranova (Gabriele Adorno), Armando Noguera (Paolo Albiani), Maurizio Lo Piccolo (Pietro), Stefano Ferrari (Un capitaine), Sarah Hauss (Une servante)
Chœur de l’Opéra de Dijon, Anass Ismat (chef de chœur), Orchestre Dijon Bourgogne, Roberto Rizzi Brignoli (direction musicale)
Philipp Himmelmann (mise en scène), Etienne Pluss (scénographie), Kathi Maurer (costumes). Fabrice Kebour (lumières)


(© Gilles Abegg/Opéra de Dijon)


Avec un ouvrage comme Simon Boccanegra, titre proposé par l’Opéra de Dijon en ce moment, la difficulté pour le metteur en scène est d’animer une intrigue singulièrement statique, tout en tentant d’éclaircir certains rebondissements aux yeux du spectateur. L’allemand Philipp Himmelmann a choisi de se concentrer sur le personnage principal, en imaginant un spectacle situé dans un XXe siècle aux contours indéterminés, d’un dépouillement aussi austère qu’anxiogène: le décor unique d’une vaste pièce aux hauts murs, aux tapisseries défraîchies, percées de multiples portes. Dans le Prologue ainsi que pour le tableau final, un cube s’y encastre et laisse entrevoir le cadavre de Maria pendue au bout d’une corde, tandis qu’un énigmatique cheval (bien vivant, lui) se tient aux côtés de la dépouille. A la fin, Simon viendra expirer sous le cadavre de l’être aimé. Quant à la mer, si présente dans la partition et le livret de Piave et Boito, elle apparaît sous la forme d’un grand tableau tout en largeur, qui reste quasi omniprésent tout au long de la soirée.


Dans le rôle-titre, le baryton italien Vittorio Vitelli – à la voix virile et vigoureuse, au phrasé varié et bien superbement conduit – dessine du Doge un portrait d’une touchante humanité, et s’impose au fur et à mesure de la représentation, qui culmine dans la fameuse scène du Conseil et dans les accents déchirants de sa mort au dernier acte. Face à lui, la basse croate Luciano Batinic réussit l’exploit d’offrir un adversaire de poids, et propose un Fiesco empli de grandeur, avec une voix pourvue d’un saisissant registre grave, quasi sépulcral, qui lui permet de donner tout son poids au superbe air «A te l’estremo addio».


Le couple d’amoureux, finalement un peu sacrifié dans le livret, s’avère ici particulièrement crédible, et fait preuve d’un superbe engagement. La soprano américaine Keri Alkema offre de rares atouts: une voix flamboyante et remarquablement homogène, conduite avec une sobriété qui n’enlève rien à l’impact de son chant ni de son jeu. Son fameux air du I, «Come in quest’ora bruna», est délivré avec une foule de pianissimi et de notes filées qui font battre (fort) le cœur du public. Le second campe un Gabriele Adorno au timbre solaire, à la ligne raffinée, à l’aigu percutant et aux accents virils, très impliqué par ailleurs dans son personnage. Enfin, le baryton argentin Armando Noguera est un luxe dans le personnage de Paolo, auquel il prête sa formidable présence, son style irréprochable et la générosité de ses moyens, tandis que la basse italienne Maurizio Lo Piccolo campe également un Pietro d’une grande autorité.


Le dernier grand bonheur de la soirée est procuré par la baguette du chef italien Roberto Rizzi Brignoli, qui parvient à un extraordinaire équilibre entre la gravité du récit musical et les veines dramatiques qui l’innervent. Verdi lui-même voyait dans ce contraste la «couleur» de son opéra, cette tonalité obscure qui enveloppe la solitude des puissants, par opposition à la violence spasmodique des conflits politiques, au désir de faire la paix et à la nostalgie de l’amour paternel. Sous sa direction, l’Orchestre Dijon Bourgogne est, de bout en bout, admirable de cohésion, de clarté et de pugnacité, le chœur maison se montrant lui aussi au-delà de tout éloge.


Un triomphe amplement mérité vient couronner cette grande soirée verdienne.



Emmanuel Andrieu

 

 

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