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Cap au nord Paris Théâtre des Bouffes du Nord 03/12/2018 - Franz Xaver Richter : Symphonie n° 63 (Grande Symphonie I) en si bémol majeur
Carl Philipp Emanuel Bach : Sinfonie en sol majeur, Wq. 182/1, H. 657, et en si mineur, Wq. 182/5, H. 661 – Concerto pour clavecin en la mineur, Wq. 26, H. 430
Joseph Haydn : Concerto pour violon en sol majeur, Hob. VIIa:4 Anna Fontana (clavecin)
Gli Incogniti, Amandine Beyer (violon et direction)
(© François Sechet)
Pour un ensemble de douze musiciens seulement, il fallait bien un écrin: quoi de mieux que le petit théâtre des Bouffes du Nord, où les premiers rangs du public sont presqu’au contact des artistes? Spectateurs nombreux pour ce concert donné par l’ensemble Gli Incogniti qui, dirigé du violon par la toujours enthousiaste Amandine Beyer, ressemble plus que jamais à une bande de bons amis où la complicité fait figure de lien fondamental.
Le programme nous emmenait non pas en Italie comme on pouvait s’y attendre avec cet ensemble mais en Allemagne, et plus précisément à la cour de Mannheim où officia pendant plusieurs années le méconnu Franz Xaver Richter (1709-1789). Auteur d’un grand nombre de symphonies – écoutez le très beau disque réalisé, une fois de plus, par Matthias Bamert et ses London Mozart Players chez Chandos! – et de concertos, Richter ne passait pas pour un génie mais pour un simple et honnête compositeur comme il en existait tant à l’époque... Et pourtant, on se laisse immédiatement emporter par cet Allegro assai aux tonalités très italiennes, où les violons jouent sur toute la longueur de l’archet, ainsi que par le Presto conclusif où l’entremêlement des trois premiers violons et des trois seconds contribue à délicieusement relancer le thème. Sans nul doute, pour beaucoup, la découverte d’un compositeur des plus agréables!
Autre découverte sans doute pour pas mal de personnes présentes, le Concerto pour violon en sol majeur de Haydn: ah bon? Haydn a composé des concertos pour violon? Certes, ce ne sont pas là ses pièces les plus célèbres mais on peut noter qu’elles sont de plus en plus fréquemment enregistrées (la version de référence étant signée Giuliano Carmignola) et jouées en concert. Amandine Beyer fait moins figure de soliste que de primus inter pares, jouant avec ses comparses dans les tutti et adoptant un jeu d’une grande sobriété en même temps que d’une grande délicatesse, l’Allegro moderato se caractérisant par des tonalités à la fois aimables et généreuses, l’Allegro conclusif étant pour sa part plein de rebondissements. Le jeu extrêmement délicat d’Amandine Beyer, jouant avec des aigus redoutables et sans fioriture inutile, consacre une interprétation en tous points remarquable.
Mais le compositeur phare de ce concert était bien sûr Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), peut-être le plus doué des fils Bach, représenté avec deux symphonies et un concerto pour clavecin. Concerto qui mit en valeur la charismatique Anna Fontana dont le sourire, la musicalité et l’attention portée aux autres musiciens en font (du moins peut-on sans grand risque le penser) une partenaire idéale. Idéale également fut son jeu pour le Concerto en la mineur, très connu dans sa version pour violoncelle et orchestre, beaucoup moins pour clavier alors que c’est pourtant l’instrument auquel l’œuvre était originellement destinée. Le toucher donne à la partition une tonalité doucement rêveuse, la musicalité innerve l’ensemble avec beaucoup de charme (le mouvement lent fut une splendeur), la complicité entre Anna Fontana et l’ensemble des musiciens étant par ailleurs évidente (les regards en coin ou une légère impulsion entre la soliste et le violoncelliste Marco Ceccato): un magnifique moment. Les deux symphonies choisies (deux parmi les six commandées par le fameux baron van Swieten comme nous le précise Marc Vignal dans son ouvrage consacré aux Fils Bach chez Fayard, page 323) ne sont pas parmi les plus connues de Carl Philipp Emanuel: pour autant, les sonorités sont reconnaissables entre toutes! Ici encore, le jeu des cordes (légèrement appuyées dans la Sinfonia V), les archets requis sur toute leur longueur, la théâtralité de certains mouvements (le Presto concluant la Sinfonia I avec ses notes égrenées sur la pointe des pieds...) couronnèrent un concert enthousiasmant comme on aimerait en entendre tous les jours.
Le site de l’ensemble Gli Incogniti
Sébastien Gauthier
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