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Passions exacerbées

Bruxelles
La Monnaie
03/10/2018 -  et 7, 9, 11*, 13, 14, 16, 18, 20, 21, 22 mars 2018
Pietro Mascagni: Cavalleria rusticana
Eva-Maria Westbroek*/Alex Penda (Santuzza), Josè Maria Lo Monaco (Lola), Teodor Ilincai*/Leonardo Caimi (Turiddu), Dimitri Platanias (Alfio), Elena Zilio (Lucia)
Ruggero Leoncavallo: Pagliacci
Simona Mihai (Nedda), Carlo Ventre (Canio), Scott Hendricks (Tonio), Tansel Akzeybek (Peppe), Gabriele Nani (Silvio)
Chœurs de la Monnaie, Académie des chœurs et Chœurs d’enfants de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Evelino Pidò (direction)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décor), Carla Teti (costumes), Alessandro Carletti (lumières)


(© La Monnaie)


A la Monnaie, la seconde moitié de la saison, de janvier à juin, ne comporte que des opéras en un acte, à l’exception de Lohengrin, du 19 avril au 6 mai. Après Le Prisonnier et L’Enclos en janvier et avant Le Château de Barbe-Bleue en juin, une production de Cavalleria rusticana (1890) et Pagliacci (1892) figure à l’affiche, seize ans après la précédente. Les Londoniens ont déjà pu applaudir à Covent Garden, en 2015, la conception peu originale mais pertinente de Damiano Michieletto, un beau et grand spectacle enregistré et publié par Opus Arte. Le metteur en scène imagine que les deux drames se déroulent dans le même village du sud de l’Italie, il y a quelques décennies, en développant de judicieuses idées pour renforcer le lien entre eux. Les personnages passent de l’un à l’autre, la troupe de Paillasse placarde, au début de Cavalleria rusticana, les affiches de son spectacle dans la salle de fête de l’école – simple, mais efficace.


Cette approche sans excès d’intentions reste fidèle aux thèmes parcourus dans ces deux ouvrages traditionnellement associés depuis longtemps. Michieletto va droit au but et dirige les solistes et les chœurs avec précision, mais sans éviter les poses stéréotypées, comme la plainte exagérée de Lucia sur le corps de son fils. La scénographie restitue avec beaucoup de détails et de réalisme le cadre de vie de cette communauté attachée à la religion et au culte marial, ce qui se remarque, surtout, dans Cavalleria rusticana, et organisée autour de ses propres règles de justice et de vengeance. Paolo Fantin signe deux superbes décors pivotants, mais les lumières demeurent trop sombres dans l’opéra de Mascagni, qui se déroule, en principe, le jour.


Le bilan vocal penche en faveur de Cavalleria rusticana. Chanteuse de grand calibre, Eva-Maria Westbroek expose l’étendue de ses moyens en Santuzza : longueur du souffle, raffinement du legato, puissance de la projection, fusion parfaite des registres. La soprano parait même surdimensionnée pour ce personnage. Josè Maria Lo Monaco se démarque en Lola surtout par le timbre, bien que son interprétation, consciencieuse, ne suscite aucun reproche. Teodor Ilincai séduit en Turiddu par sa voix éclatante et charpentée. Dimitri Platanias manque, par contre, de mordant et de grave en Alfio mais le baryton en impose par sa carrure. Elena Zilio, enfin, caractérise Lucia avec une certaine conviction et se distingue par la qualité de son chant.


Carlo Ventre livre sur cette scène son premier Canio, une mission honorablement accomplie. La voix et l’incarnation possèdent l’impact attendu, mais la psychologie du personnage pourrait gagner en relief et en contraste. La Nedda de Simona Mihai parait bien fruste en comparaison. Le timbre n’accroche guère, et la voix peine à s’imposer, à cause d’une projection et d’un volume limités. Scott Hendricks n’affiche pas toute l’italianité et le style souhaités en Tonio mais le baryton excelle par ses dons de comédiens et son assurance vocale, que nous avons déjà pu admirer tant de fois à la Monnaie. Tansel Akzeybek ne parvient pas vraiment à se distinguer en Peppe, tandis que Gabriele Nani forme dans le rôle de Silvio un couple bien apparié avec Nedda, sans davantage s’illustrer par sa performance vocale, plutôt terne.


Evelino Pidò dirige ces deux opéras en connaisseur, avec un impeccable sens du drame et du climat. L’orchestre restitue les contrastes tout en maintenant la tension, mais il sonne parfois trop fort, au risque de mettre en péril les voix moins puissantes. Les musiciens dévoilent un vaste éventail de couleurs et se montrent capables de retenue et de délicatesse dans les moments opportuns, rendant ainsi suffisamment justice à la grande qualité d’écriture des deux compositeurs. Dans les copieuses et superbes pages que Mascagni et Leoncavallo leur consacrent, les choristes se démarquent un peu plus que d’habitude sur le plan de l’engagement théâtral et de la finition vocale. Martino Faggiani les a sans doute préparés avec un soin maniaque pour obtenir un aussi beau résultat. Cette production d’envergure et somme toute aboutie, en dépit de quelques réserves, se hisse à la hauteur de la réputation de la Monnaie.



Sébastien Foucart

 

 

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