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Bon compromis

Toulon
Opéra
03/09/2018 -  & 11*, 13 mars 2018
Gaetano Donizetti: Lucia di Lammermoor
Serenad Uyar (Lucia), Julie Pasturaud (Alisa), Roberto De Biasio (Edgardo), Jean Teitgen (Raimondo), David Bizic (Enrico), Mark Van Arsdale (Arturo), Pierre-Emmanuel Roubet (Normanno)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Francesco Lanzillotta (direction musicale)
Henning Brockhaus (mise en scène), Josef Svoboda/Benito Leonori (décors), Patricia Toffolutti (costumes), Valentina Escobar (chorégraphie)


(© Frédéric Stephan)


La mise en scène de Henning Brockhaus, passée par Modène, Parme et Plaisance en 2016 où elle a reçu la faveur du public, rend bien évidemment compte de l’atmosphère sinistre de l’opéra et du roman de Walter Scott. Fort heureusement, les poncifs de l’épouvante nous sont épargnés. D’église gothique en ruines ou d’orage nocturne qui s’abat sur un cimetière abandonné, point. Tout le fatras halloweenesque reste au magasin des accessoires, laissant à cette musique raffinée, au jeu des acteurs, ainsi qu'à quelques détails piquants, le soin de faire naître le climat lugubre de l’ouvrage.


La cheville ouvrière du décor est faite d’un escalier monumental qui occupe la plus grande partie de la scène et d’un grand voile qui plonge des cintres sur lequel sont projetées des images, par moments non figuratives, à d’autres parsèment l’espace de chandelles, de bouquets d’asters, ou d’une étendue d'eau sombre qui ondoie. Les costumes s’inspirent d’au moins trois époques, celle de l’histoire, celle de la création de l’œuvre, et une autre plus contemporaine si l’on en juge par les vareuses vert armée et les casques portés par les soldats. L’idée de faire d’Enrico un dandy pittoresque arborant habit de soirée, long manteau et haut-de-forme blancs est osée mais convaincante. La direction d’acteurs est soignée et l’ensemble, tant sur le plan esthétique que dramatique est réussi.


La Lucia de Serenad Uyar est de bonne facture. La Turque possède les moyens de ce rôle aux nombreux passages escarpés: aigus cinglants, ornementation ciselée et tissu de voix satiné. Son incarnation de la jeune fille fragile qui glisse lentement vers la folie est crédible, malgré, par moments, une certaine raideur, un manque d'abandon qui brident le chant et rendent sa prestation un rien scolaire. L’«Air de la folie» lui vaut une ovation méritée.


Le ténor Roberto De Biasio coche presque toutes les cases de l’élégance belcantiste: aigus francs et mordants, émission virile et généreuse, timbre alliciant. Son Edgardo est ardent et stylé. Il est également très applaudi.


Le baryton David Bizic est annoncé souffrant. Il campe un Enrico assez conventionnel mais adéquat dans sa machiavélique noirceur. La voix, en d’autres circonstances, pourrait bien avoir la robustesse voulue. Pour une prise de rôle, Bizic affiche une confiance et une autorité certaines en dépit de cette méforme.


Avec son ample voix de basse au timbre savoureux, Jean Teitgen en Raimondo reçoit lui aussi les suffrages marqués du public, tandis que Marc Van Arsdale (Arturo), Pierre-Emmanuel Roubet (Normanno), et Julie Pasturaud (Alisa) complètent très honorablement une distribution de bon niveau.


Francesco Lanzillotta fait une lecture distinguée de cette enivrante partition et tous les pupitres répondent aux sollicitations du chef avec une fière précision. Parmi eux, citons Boris Grelier. Dans la scène de la folie, le son de sa flûte s’enroule à merveille aux acrobaties de la soprano. Au sextuor de l’Acte II, Lanzillotta impose à tout ce beau monde une indispensable rigueur, permettant à chacun de suivre sa ligne, de trouver sa place, faisant de cette superbe page un kaléidoscope musical accompli. Le chœur de l’Opéra de Toulon, sous l’impulsion de son chef Christophe Bernollin, manifeste une fois encore la musicalité qu’on lui connaît.


Voilà une présentation qui séduit par son compromis esthétique, entre outrance et déjà-vu, son bon goût épicé de quelques détails décalés, et une belle santé vocale.



Christian Dalzon

 

 

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