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Angoisses existentielles

Vienna
Konzerthaus
03/06/2018 -  et 22 (Hamburg), 23 (Lübeck), 25 (Hamburg) février, 5 mars (Regensburg) 2018
Wolfgang Amadeus Mozart: Concerto pour piano n° 24, K. 491
Gustav Mahler: Symphonie n° 5

Piotr Anderszewski (piano)
NDR Elbphilharmonie Orchester, Thomas Hengelbrock (direction)


T. Hengelbrock (© Florence Grandidier)


Le Mozart joué par Piotr Anderszewski a toujours été loin d’être classique, si l’on entend par cet adjectif une composition de style galant. Dans ce concerto en ut mineur, cela va plus loin que de simples épisodes nuageux: on y perçoit plutôt, toujours sous-jacente, une menace invisible qui parfois déchire la surface tranquille de la partition. Ainsi, le tempo du premier mouvement, posé et proche d’un certain statisme, recèle intrinsèquement une violence sourde; on entre dans une autre dimension à l’entame du développement, qui retient la musique et la murmure à l’oreille du public; la cadence, écrite par le pianiste polonais, libère tout à coup cette tension longuement accumulée, juxtaposant des traits abrupts à la manière d’une fantaisie. Même coups d’éclat dans le Larghetto, où le thème tout d’abord en apesanteur se densifie soudainement. Le finale, qui enchaîne de manière infernale les répétitions thématiques, se clôt sur une série de crescendos glaçants de violence. La transcendance technique, autorisant Piotr Anderszewski à choisir un timbre précis indépendamment de la palette dynamique, est mise au service d’une vision très opératique de l’œuvre où le soliste n’est qu’une voix parmi celles de l’orchestre. On sent déjà poindre Don Giovanni, alors que Mozart vient de terminer Les Noces de Figaro. La fusion avec la Philharmonie de l’Elbe est totale: imposant et symphonique, l’orchestre enveloppe le soliste d’une gaine sonore renforçant les changements de nuances avec une précision millimétrée.


Les soixante-dix minutes restant au programme ne laissent pas plus de répit aux auditeurs: derrière le confort germanique des timbres se dresse en effet une vision dérangeante et cyclothymique de la Cinquième Symphonie de Mahler. Peu de traces d’ironie grinçante dans cette interprétation, mais plutôt un enchainement tumultueux de séquences assemblées par Thomas Hengelbrock. Les thèmes s’entrechoquent, typés à l’extrême, morcelés et imprévisibles comme les voix intérieures harcelant le cerveau d’un patient schizophrène. Chaque musicien montre un engagement sans faille, établissant une balance homogène répartie à travers les pupitres. Ce chaos méticuleusement organisé offre au fond une vision expressionniste alternative aux angoisses latentes de la première partie.



Dimitri Finker

 

 

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