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Mozart et Dvorák illuminés

Paris
Auditorium Radio-France
01/19/2018 -  et 20, 21 janvier 2018 (Sceaux)
Bohuslav Martinů : La Revue de cuisine (Suite), H. 161
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor, basson et orchestre en mi bémol majeur, K. 297b (#)
Antonín Dvorák : Symphonie n° 7, en ré mineur, opus 70, B. 141

Hélène Devilleneuve (hautbois), Jérôme Voisin (clarinette), Julien Hardy (#), Wladimir Weimer (basson), Antoine Dreyfuss (cor), Alexandre Baty (trompette), Floriane Bonanni (violon), Renaud Guieu (violoncelle), Catherine Cournot (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Leonidas Kavakos (direction)


(© Jan-Olav Wedin)


On ne présente plus le violoniste grec Leonidas Kavakos, fin musicien, merveilleux chambriste (Yo-Yo Ma et Emanuel Ax l’ont récemment choisi pour leur tenir compagnie dans l’intégrale des Trios de Brahms, une cooptation qui en dit plus long que n’importe quel CV...). Cinquante ans, silhouette longiligne et droite, chemises bizarres qui ont varié d’aspect et de couleurs avec les années (en ce moment la tendance est au bleu sombre électrique), cheveux de plus en plus longs et raides : voilà pour le folklore (même pas grec). Mais Kavakos c’est bien plus que cela : un art particulier de respirer la musique, de la laisser s’écouler avec un mélange inimitable de retenue et d’allant, comme s’il fallait constamment tendre le discours mais en n’ayant jamais exactement la même façon d’associer consécutivement deux notes.


Aujourd’hui Kavakos dirige aussi. En fait depuis une quinzaine d’années déjà. Mais sans vouloir donner à cette seconde carrière une importance plus décisive que cela. S’agit-il d’ailleurs véritablement d’un chef d’orchestre ? On n’en est pas sûr, mais rappelons que dans le passé on a beaucoup hésité, et longtemps, avant de décerner le même titre à un Barenboim ou à un Ashkenazy. Pour l’instant manque encore clairement à Kavakos cet ascendant dictatorial, ce « bras », qui détermine en principe une carrière de chef. Mais on trouve autre chose en compensation quand il est debout sur un podium : une incitation permanente des musiciens à s’écouter les uns les autres, un travail subtil sur les résonances (voire les extinctions des accords aux marges du silence), des réflexes, somme toute, de musique de chambre, mais étendus à un orchestre entier. Ce soir, que ce soit dans Mozart (à mains nues) ou dans Dvorák (avec baguette) la musique prend le temps de se poser, sans précipitation. Au détriment de l’urgence voire de la construction, mais qu’importe : il y a là quelque chose de rare voire d’infiniment précieux.


Dans Mozart, l’Orchestre philharmonique de Radio France, dont on entend clairement chaque pupitre dans l’acoustique d’un auditorium parfaitement limpide, joue le jeu, se laisse entraîner par cette gestique enveloppante, sans jamais accuser de raideur ou de crispation : un flux que certains pourraient hâtivement juger atone. Mais à quoi bon vouloir chercher absolument là des impulsions dansantes ou des accents décoratifs ? A quoi cela sert-il, si cela masque ou déguise un état de grâce, une lumière particulière, qualités mozartiennes tellement difficiles à bien réveiller. Eternel débat de la rhétorique et de l’historiquement informé, mais qu’une approche aussi ouvertement sincère renvoie à son inanité. Ecoutons plutôt les quatre excellents solistes français issus des rangs de l’orchestre, dont le babil virtuose se déguste comme une série de gourmandises. Le Thème varié final de cette Symphonie concertante pour vents a tout du régal sucré d’un étal de pâtisserie. Dommage simplement que le cor d’Antoine Dreyfuss, pas toujours parfaitement docile, fasse parfois fugitivement retomber la crème chantilly, mais vu l’opulence du comptoir, ce n’est qu’un détail. Cette Symphonie concertante ne sera jamais un chef-d’œuvre mais c’est encore comme cela qu’on la préfère : une Gebrauchsmusik pour virtuoses de haute école, avec le rien de luminosité ineffable en plus qui fait que c’est bien du Mozart que l’on écoute, et pas du Vanhal ou du Stamitz.


Après l’entracte l’effectif augmente mais la flexibilité et la disponibilité de l’orchestre restent tangibles. La Septième Symphonie de Dvorák requiert une ampleur particulière, voire un sens du drame, particularités que Kavakos ressent bien mais qu’il ne parvient pas forcément à faire passer avec autant d’acuité qu’il le souhaiterait. En quelques séances de répétition seulement on ne peut pas tout approfondir au même degré et il est certain que ce type de gestique, plus invitant qu’impérieux, ne peut pas tout réveiller avec la même efficacité. Interprétation en définitive plutôt brahmsienne, avec quelque chose de crépusculaire parfois qui détone, là où l’on a l’habitude d’une impulsivité plus terrienne. Mais qu’importe, le résultat séduit, voire ouvre des horizons (d’intéressants effets de soufflet sur les derniers accords, manifestement très travaillés). Pas encore l’autorité péremptoire d’un grand chef, mais assurément la proposition d’un musicien qui a beaucoup à partager.


En toute première partie, on en oublierait presque La Revue de cuisine de Martinů : une suite d’amuse-gueule finement détaillés par cinq solistes regroupés autour du piano de Catherine Cournot. Là encore bien des métaphores gourmandes pourraient abondamment fonctionner pour décrire cette musique de charme, toujours agréable même quand elle cultive de multiples frottements « années vingt ». Malgré l’absence de chef les dosages sont bons (l’intégration de la trompette, d’ailleurs fort rarement tentée, n’est jamais facile en musique de chambre). Vingt minutes sans grand poids, mais qui ouvrent agréablement le concert.



Laurent Barthel

 

 

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