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Proximité et convivialité à Gstaad Gstaad Eglise de Rougemont 01/04/2018 - Airs d’opéras et de zarzuelas, tangos et chansons napolitaines Marcelo Alvarez (ténor), Kamal Khan (piano)
(© Michel Racine)
Les mélomanes connaissent tous, ou presque, le Menuhin Festival de Gstaad, qui se déroule en été, ainsi que les Sommets musicaux, qui ont lieu à Gstaad entre fin janvier et début février. Peu nombreux, en revanche, sont ceux qui savent que la célèbre station suisse accueille un troisième festival de musique classique : le Gstaad New Year Music Festival, programmé du 27 décembre 2017 au 8 janvier 2018, pour la douzième fois. Il a été créé par Caroline Murat, plus connue peut-être sous son nom d’artiste, Caroline Haffner, pianiste réputée. L’affiche du Gstaad New Year Music Festival reflète la variété des goûts de sa fondatrice, qui descend de la famille Bonaparte du côté paternel. C’est en cela que la manifestation se distingue des autres festivals de la région. Le programme 2017-2018 comprend non seulement de la musique classique (avec notamment le violoncelliste Gautier Capuçon, le pianiste Jérôme Ducros ou encore le violoniste Julian Rachlin) - en quelque sorte le fil rouge de la manifestation - mais aussi du chant (avec, entre autres, le ténor Marcelo Alvarez et la contralto Nathalie Stutzmann), des conférences (par exemple sur Maria Callas), du cinéma (projection du Cuirassé Potemkine) ou encore du théâtre (avec les comédiennes Brigitte Fossey et Arielle Dombasle). On relèvera aussi les deux classes de maître animées par les cantatrices Inva Mula et Viorica Cortez. Par ailleurs, le Festival commande chaque année une œuvre à un compositeur contemporain. Caroline Haffner a, elle-même, beaucoup joué de musique contemporaine, ceci expliquant peut-être cela. A noter que l’affiche comporte plusieurs concerts gratuits. Ce qui fait la spécificité du Gstaad New Year Music Festival, c’est aussi son côté intimiste et chaleureux : les concerts ont lieu dans de petites salles (notamment dans les magnifiques églises de la région), ce qui donne au public l’occasion unique de voir les artistes de très près. Des cocktails organisés après les concerts permettent ensuite de dialoguer en toute décontraction avec les musiciens, dans une véritable ambiance de festival.
Le récital de Marcelo Alvarez a constitué l’un des points forts du Gstaad New Year Music Festival 2017-2018. Après des prestations en demi-teinte cet été pour cause de maladie et d’allergie (notamment à Zurich et à Orange), le ténor argentin est apparu en forme resplendissante, ayant recouvré la totalité de ses moyens. Cette soirée a représenté un événement unique, en ce sens que l’artiste n’est pas familier des récitals, encore moins dans une église. Et il est vrai que le ténor n’a pas lésiné sur le triple « fortissimo », qui a semblé bien exagéré pour un lieu aussi intimiste. Mais son chant ardent et passionné ainsi que son énergie communicative ont fait merveille. La première partie de la soirée comprenait des airs d’opéra (dont « Lucevan le stelle » de Tosca, « Oh souverain » du Cid et le beaucoup plus rare « Giulietta son io » de Giulietta e Romeo de Zandonai). En seconde partie, le ténor a régalé le public avec des zarzuelas et des tangos, avant d’entonner des chansons napolitaines en bis.
Le Gstaad New Year Music Festival ne se contente pas d’inviter des artistes renommés, il entend également donner une place à la relève. Il l’a prouvé de façon éclatante avec le concert final de la classe de maître organisée en collaboration avec le Concours International de Belcanto et l’Académie Vincenzo Bellini. Préparés par le chef Marco Guidarini et la cantatrice Viorica Cortez, la soprano Sara Baneras et le ténor Santiago Martínez ont impressionné les spectateurs non seulement par leurs qualités techniques, mais aussi par leur sens de l’interprétation et leur expressivité. Des noms à retenir. A n’en pas douter, ces deux jeunes interprètes sont promis à une belle carrière, la première devrait éblouir dans des emplois plutôt légers tels que Norina ou Adina, alors que le second se profile en digne successeur de Juan Diego Flórez. Leur récital a été suivi par un programme riche en couleurs de la soprano Anush Hovhannisyan, lauréate du Prix Gstaad 2016 remis dans le cadre du concours Bellini. La chanteuse a interprété avec un brio égal Rossini et Gershwin, en passant par Nicolai, Berg, Poulenc et Rimsky-Korsakov. Voilà une artiste qui, malgré son jeune âge, a déjà un tempérament certain. Elle aussi devrait se produire prochainement sur les plus grandes scènes. Ces trois jeunes chanteurs ont été accompagnés avec beaucoup de finesse par la pianiste Maguelone Parigot. Il n’y a rien de plus exaltant pour le public que d’assister à l’éclosion de grands talents.
Le site du festival
Claudio Poloni
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