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Le festival de Schwetzingen rend hommage à Porpora

Frankfurt
Schwetzingen (Château)
11/29/2017 -  et 8, 10*, 16, 19, 28 décembre 2017, 11, 13, 15, 28 janvier, 9 février 2018
Nicola Porpora : Mitridate
David DQ Lee (Mitridate), Antonio Giovannini/Ray Chenez* (Sifare), Shahar Lavi (Farnace), Katja Stuber (Ismene), Yasmin Ozkan (Semandra), Zachary Wilson (Archelao), Seung Kwon Yang (Arcante), Xiangnan Yao (Oraculo)
Philharmonisches Orchester Heidelberg, Felice Venanzoni/Davide Perniceni* (direction musicale)
Jacopo Spirei (mise en scène), Madeleine Boyd (scénographie), Sarah Rolke (costumes), Heribert Germeshausen (dramaturgie)


Y. Ozkan, R. Chenez, D. DQ Lee (© Sebastian Bühler)


Située à quelques encablures de Heidelberg et Mannheim, au sud de Francfort, la petite ville de Schwetzingen n’en finit pas de s’enorgueillir de son magnifique château, construit au début du XVIIIe siècle dans le style baroque par l’électeur du Palatin. Epargné par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, le site dispose également de jardins réputés, d’une superficie de 72 hectares, initialement aménagés dans un style à la française, puis à l’anglaise par la suite. C’est tout naturellement qu’un festival d’opéra s’y est établi, bénéficiant de l’écrin rococo du petit théâtre de 500 places implanté dans l’une des ailes du château. Fondé en 1952, le festival se déroule aujourd’hui en deux temps, au printemps et à cette saison, avec pour double objectif de mettre en miroir une création contemporaine, tout autant qu’une recréation sur instruments d’époque d’un opéra oublié.


Place donc au «festival d’hiver» qui n’a jamais aussi bien porté son nom avec la neige présente sur toute la ville, avec la recréation d’un opéra de Nicola Porpora (1686-1768), Mitridate (1730, Rome). Le festival célèbre cette année le 250e anniversaire de la mort du compositeur italien en montant la version révisée à Londres en 1736. C’est en effet dans cette ville que Porpora se posa en grand rival de Haendel dans une joute musicale organisée opportunément pour confronter les deux compositeurs importants du moment, à l’instar de Haydn et Pleyel près de soixante ans plus tard. Le futur professeur de Haydn fait alors l’étalage de tous ses moyens – richesse de l’orchestration, variété des airs, moindre importance des récitatifs – qui avaient déjà séduit dans l’une des plus belles productions découvertes au festival d’Innsbruck en 2015, Il Germanico, un ouvrage contemporain de Mitridate.


L’adaptation de la tragédie éponyme de Jean Racine par le dramaturge anglais Colley Cibber (1671-1757) ressemble globalement à celle élaborée pour Mozart en 1770, fondée sur une traduction italienne de l’œuvre de Racine. Sur fond de temps de guerre, les rivalités amoureuses sont ainsi au centre de cette histoire. La mise en scène de Jacopo Spirei choisit de transposer l’action dans un Moyen-Orient guerrier contemporain, en reconstituant l’intérieur d’un palais défraîchi, déjà atteint par les bombardements. Aussi bien les éclairages que la direction d’acteurs, avec le ballet hypnotisant des serveurs au I, puis la perspective d’un camp de prisonniers en arrière-scène après l’entracte, apportent beaucoup à ce huis clos très réussi.


Le plateau vocal réuni pour cette production permet de découvrir toute une palette de jeunes chanteurs très investis dans leurs rôles respectifs. Le plus connu d’entre eux est certainement le contre-ténor David DQ Lee, qui compense un timbre légèrement atteint dans sa substance par une intention dramatique de tous les instants, tandis que ses phrasés éloquents font mouche. Il semble prendre un réel plaisir à chanter, ce qui est toujours appréciable visuellement. A ses côtés, l’autre grande satisfaction de la soirée est le Sifare séduisant de Ray Chenez, à la voix aussi angélique que son minois de jeune premier, capable aussi de fureur dans son rôle très conséquent. On retiendra également les phrasés superbes de souplesse et de nuances de Katja Stuber (Ismene), tandis que Yasmin Ozkan (Semandra) tire son épingle du jeu avec des qualités sensiblement identiques. Parmi les rôles secondaires, mention spéciale à la prestance et à la puissance maîtrisée de Zachary Wilson, superlatif Archelao.


La seule déception de la soirée vient de la fosse, avec la direction peu inspirée de Davide Perniceni, pourtant à la tête d’un bon Orchestre de la Philharmonie de Heidelberg. Le jeune chef italien semble ne s’intéresser qu’à l’énergie rythmique, au détriment des nuances et des couleurs. A ce compte-là, seuls les airs de bravoure conservent une certaine électricité, tandis que les airs plus apaisés manquent d’émotion. Dommage.



Florent Coudeyrat

 

 

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