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Fantaisie et Intelligence Montreuil-sur-Mer Théâtre 08/18/2001 - et les 21, 24, 26 et 29 août 2001 Jacques Offenbach: Ba-Ta-Clan
Elsa Vacquin (Fé-An-Nich-Ton, mandarine/Virginie Durand), Lionel Muzin (Ké-Ki-Ka-Ko, mandarin/ Alfred de Cérisy), Olivier Hernandez (Fé-Ni-Han, l’empereur/Anastase Nourrisson), Olivier Naveau (Ko-Ko-Ri-Ko, le chef des conjurés), Romain Blanchard, Florence Danthois, Quentin Foucaut, Brigitte Fourdrignier, Jean-Michel Graillot, Catherine Le Lostec, Jean-Yves Léopold, Muriel Pertuzon, Jean-Jacques Rapin (chœur des conjurés) Pierre Letessier (mise en scène), Thomas Bossard (décor), Eun-Ju Song (costumes), Nicolas Villenave (lumières), Maria Adelia (masques, coiffures et maquillages), Sylvaine Vallespir (chef de chant) Musiciens du stage d’orchestre 2001, Benjamin Lévy (direction musicale) Nouvelle Production des Malins Plaisirs en coproduction avec les Nuits de la Mayenne
Créé en 1989, un festival judicieusement appelé «Les Malins Plaisirs » apporte à une région assez sinistrée sur le plan musical une manifestation estivale d’une grande originalité et d’une audace rare dans sa programmation. Chaque année sont proposés quatre spectacles d’un genre différent (opéra, théâtre, spectacle musical…) sérieusement travaillés pendant les semaines précédentes avec des stagiaires, jeunes musiciens ou acteurs en début de carrière. Le festival se déroule dans le cadre merveilleux de Montreuil-sur-mer avec ses remparts et ses vieilles rues pavées et la plupart des manifestations ont lieu dans l’intime Théâtre qui ne compte pas plus de 300 places, permettant un contact unique entre le public et les artistes. Après une année «régime» (le festival a lieu trois étés de suite puis faite relâche durant l’année bissextile), la programmation 2001 est copieuse, le plat de résistance consistant en une production scénique avec orchestre d’une des plus grandes réussites d’Offenbach dans le genre de l’opérette: Ba-Ta-Clan. Et pas de risque d’indigestion tant le traitement appliqué par le metteur en scène Pierre Letessier à cette «chinoiserie musicale en un acte » est d’une légèreté, d’une fantaisie, d’une inventivité qui conviennent parfaitement à cette œuvre joyeusement satirique qui garde toute son actualité. Dans un décor d’une sobriété nécessaire de Thomas Bossard (des panneaux asiatiques coulissants), le sens du détail qui fait mouche et la capacité d’aller aux limites du mauvais goût sans y tomber de Pierre Letessier sont l’exact répondant à l’inspiration de l’Offenbach de 1856 qui avait été bien aidé par un excellent livret de Ludovic Halévy en personne. L’action se déroule en Chine, dans les jardins du palais de Fé-Ni-Han, souverain chinois qui doit se défendre d’attaques de conjurés. A sa cour, deux faux «mandarins », Ké-Ki-Ka-Ko et Fé-An-Nich-Ton découvrent mutuellement leur véritable identité : ils sont français, captifs des Chinois et sont en fait respectivement Alfred de Cérisy, vicomte décavé et Virginie Durand, chanteuse légère en tournée. La France leur manque et leur nostalgie les poussent à vouloir s’échapper ensemble. Nous découvrons ensuite que Fé-Ni-Han n’est autre qu’Anastase Nourrisson, natif de Brive-la-Gaillarde et que Ko-Ko-Ri-Ko, le chef des conjurés est lui aussi français, celui-ci par contre ne souhaitant pas rentrer en France mais prendre le trône (« pour fainéantiser » ! ! ). Tout le monde finit donc par se mettre d’accord et Ko-Ko-Ri-Ko organise et couvre la fuite de ses trois compatriotes dans un finale réjouissant, incluant le fameux chant du Bataclan, refrain de ralliement des conjurés pétillant et entraînant en diable. Offenbach n’a pas abusé de «chinoiseries », dont le meilleur exemple est le quatuor en charabia qui ouvre l’œuvre et il pastiche de manière aussi heureuse l’opéra italien, à l’instar des futurs Monsieur Choufleuri restera chez lui le… et Il Signor Fagotto ; on peut même y retrouver des références au grand Opéra à la française qui triomphe à l’époque avec une allusion aux Huguenots de Meyerbeer (où il est aussi question de conjuration). En parfait accord avec la mise en scène, la direction musicale du jeune Benjamin Lévy fait preuve d’un dynamisme, d’une précision et d’une adéquation stylistique qui forcent l’admiration. Les musiciens du stage sont entre des mains sûres avec cet assistant de Marc Minkowski qui promet déjà beaucoup. Rajoutons qu’il est particulièrement délicat d’obtenir dans une salle si petite un bon équilibre entre les voix et les musiciens ; or jamais les chanteurs n’ont été couverts. Ceux-ci ont également contribué à la réussite de la soirée par des prestations impeccables tant sur le plan scénique que sur le plan vocal (Offenbach est beaucoup plus exigeant qu’on ne le croit). Un travail approfondi avec le metteur en scène leur apporte une aisance comique qui fait merveille et leur permet de paraître de s’amuser autant que le public malgré la difficulté de leur tâche. On appréciera donc en particulier la belle technique vocale d’Elsa Vacquin qui dans sa romance accompagnée du violoncelle fait admirer un beau legato, l’assurance dans le suraigu d’Olivier Hernandez, l’aisance dans le falsetto de Lionel Muzin et le beau timbre d’Olivier Naveau, artistes que l’on suivra avec curiosité. La réussite de ce spectacle est donc totale et sans réserves et l’on se réjouit de savoir qu’il tournera par la suite dans plusieurs villes du Nord/Pas-de-Calais ainsi que pour les Nuits en Mayenne. Le festival des «Malins Plaisrs» continue jusqu’au 29 août et propose, outre ce Ba-Ta-Clan, trois autres spectacles (l’Opéra en Proverbes, Sganarelle, Le Supplément au voyage de Cook) ainsi que diverses activités dans la ville. Une visite à Montreuil-sur-mer s’impose ! Renseignements au 03 21 81 46 44.
Christophe Vetter
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