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La Planète Bohème Paris Opéra Bastille 12/01/2017 - et 4*, 7, 10, 12, 16, 18, 21, 23, 26, 29, 31 décembre 2017 Giacomo Puccini : La bohème Sonya Yoncheva/Nicole Car* (Mimi), Aida Garifullina*/Elena Tsallagova (Musetta), Atalla Ayan*/Benjamin Bernheim (Rodolfo), Artur Ruciński (Marcello), Alessio Arduini*/Andrei Zhilikhovsky (Schaunard), Roberto Tagliavini (Colline), Marc Labonnette (Alcindoro), Antonel Boldan (Parpignol), Florent Mbia (Sergente dei doganari), Jian-Hong Zhao (Un doganiere), Fernando Velasquez (Un venditore ambulante)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Gustavo Dudamel*/Manuel López-Gómez (direction musicale)
Claus Guth (mise en scène), Etienne Pluss (décors), Eva Dessecker (costumes), Fabrice Kebour (lumières), Arian Andiel (vidéo), Teresa Rotemberg (chorégraphie), Yvonne Gebauer (dramaturgie)
A. Ayan, N. Car (© Bernd Uhlig/Opéra national de Paris)
Don Carlos revivait son histoire. Voici maintenant les compères de La Bohème prisonniers d’un vaisseau spatial en perdition et promis à une mort certaine, qui se rappellent leur vie antérieure. Cela devient une manie dont les metteurs en scène, fussent-ils Krzysztof Warlikowski ou Claus Guth, devraient se défaire. Est-ce pour cela que l’Allemand, dont le Rigoletto ressassait déjà son passé, a raté son Puccini ? Oui : on se perd souvent dans le jeu de doubles, entre hier et aujourd’hui, avec Rodolfo cosmonaute expirant juste après Mimi, sur une planète crayeuse ou enneigée, alors que la tuberculeuse s’avance lentement vers le ciel étoilé. Pour un peu, on croirait voir la transfiguration d’Isolde ! Guth détourne La Bohème comme s’il se méfiait de l’œuvre. Le quatrième acte commence comme un show devant un rideau argenté, rêve pailleté des condamnés de l’espace. On avait celles de Holst, voici La Planète de Puccini. Tout cela parce que, à la fin des Scènes de la vie de bohème, les personnages, devenus vieux, se souviennent de leur jeunesse.
Le problème est surtout que ça ne fonctionne pas, que le spectacle se trouve toujours en porte-à-faux par rapport à la musique, qu’on n’y croit pas et qu’on n’éprouve rien – les chanteurs y croient-ils eux-mêmes ? Le show n’a plus rien de drôle, la mort de Mimi ne nous émeut pas. L’acte du café Momus, avec ces silhouettes noires dans la capsule perdue, pèse bien lourd – à commencer par le cortège funèbre lourdement symbolique, comme le mime omniprésent ensuite, qui semble présider au jeu des destinées. Sans parler des bruitages précédant chaque acte, quand s’affichent les réactions désespérées de l’équipage : ça n’en finit plus. Il a même fallu, au premier acte, remplacer Benoît, le propriétaire de la mansarde, par le cadavre d’un cosmonaute qu’agite la joyeuse bande... qui doit se répartir sa partie. La direction d’acteurs ? On est loin du Claus Guth de la trilogie Da Ponte, où il travaillait chacun au corps.
La direction de Gustavo Dudamel suscite un concert de bravos et d’éloges. Elle nous laisse plus réservé. Certes, il fait sonner l’orchestre autrement, osant faire saillir des couleurs et des rythmes que la tradition avait peut-être émoussés, dans un geste très souple et d’une étonnante clarté. Mais s’il exacerbe les contrastes – ou peut-être pour cette raison –, il fragmente la durée dramatique en une succession d’instants, ne crée pas de tension. Est-ce vraiment un chef de fosse, lui qui parfois couvre les chanteurs ? Ceux-ci forment heureusement un bel ensemble. Nicole Car remplace désormais Sonya Yoncheva – sans que le public soit informé, ce qui est lui témoigner fort peu de respect – Mimi de classe au demeurant, vocalement charnue, surtout à partir du troisième acte, mais sans la fragilité du personnage. Bien latin par le timbre et le chant, le jeune Brésilien Atalla Ayan campe un Rodolphe généreux et stylé que le temps mûrira. Artur Rucinski, superbe voix de baryton, s’impose en Marcel fanfaron, puis attendri au troisième acte, flanqué de la Musette chipie d’Aida Garifullina, à qui manque seulement un timbre à la pulpe plus sensuelle. Alessio Arduini et Roberto Tagliavini ne sont pas en reste, ce dernier surtout, remarquable dans un air du manteau rendu incongru par le metteur en scène.
Didier van Moere
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