About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Représentation sans mystère de la sulfureuse Passion selon Sade

Paris
Athénée - Théâtre Louis Jouvet
11/23/2017 -  et 24, 25, 26 novembre 2017
Sylvano Bussotti : La Passion selon Sade
Raquel Camarinha (soprano), Eric Houzelot (comédien)
Ensemble Multilatérale, Léo Warynski (direction musicale)
Antoine Gindt (mise en scène), Elise Capdenat (scénographie), Daniel Levy (lumières), Fanny Brouste (costumes)


(© Sandy Korzekwa)


Il convient de replacer l’œuvre dans son contexte : celui de la fin des années 60 et du mouvement hippie. La « révolution sexuelle » fait parler d’elle, mai 68 se profile tandis que Mishima met un point final à sa pièce Madame de Sade. Il faudra attendre 1976 pour la sortie du film de Pasolini Salò ou les 120 Journées de Sodome. N’empêche, s’il est une œuvre du théâtre musical dont la réputation sulfureuse n’est pas usurpée, c’est bien La Passion selon Sade (1966) de Sylvano Bussotti (né en 1931) : quand la création fut annoncée à Palerme, le mot « Passion » dut être éliminé des affiches et remplacé par un astérisque ; quelques mois plus tard à Paris, un « x » se substitua au nom de Sade. Ambiance...


Bussotti se fait l’écho des Passions de Bach à travers ce titre provocateur et en enrobant la voix d’un ensemble instrumental qui laisse la part belle au hautbois d’amour, aux flûtes, au cor ou au violoncelle. Quant au livret, « il consiste au voisinage de la mention SADE BACH (suivant la notation allemande des notes) et d’un sonnet de Louise Labé ». Ce théâtre de la cruauté – pour reprendre l’expression d’Antonin Artaud – et son cortège de thèmes sadomasochistes nécessitent, on l’aura compris, des interprètes particulièrement impliqués tant la partition répond à tout sauf à la définition consacrée d’interface objective. Celle du Florentin est une œuvre d’art en soi, où la notation (plus que l’écriture), riche en dessins et passages ad libitum, ne prend sens qu’à travers l’immanence de sa représentation. Pour employer un lexique plus pédant, disons que sa fécondité herméneutique est proportionnelle à la beauté de sa graphie, laquelle se dérobe aux analyses musicologiques.


Au fait, combien de temps est censée durer la représentation ? Dans une de ses chroniques au Nouvel Observateur (1967), Maurice Fleuret parle de « quatre heures » de spectacle, quand le seul enregistrement disponible (éditions Ricordi) se limite à des extraits de concert d’une trentaine de minutes. Limitée à une heure, la production du Théâtre de l’Athénée, à priori, concentre le propos.


Est-ce la peur de vide qui amène la mise en scène à se montrer si envahissante ? Auquel cas, elle va à l’encontre de son intention en ceinturant le tout d’un fastidieux prologue issu de La Philosophie dans le boudoirFrançais, encore un effort... », vibrant plaidoyer contre la peine de mort) et d’un épilogue reprenant le choral final de la Saint Matthieu. A cela s’ajoute le rôle (non chanté) du Marquis, absent chez Bussotti. La partie musicale originale s’en trouve substantiellement amaigrie. Mais que dire à ces metteurs en scène qui, croyant détenir des clés, n’ont de cesse qu’ils aient verrouillé l’œuvre par les deux bouts ?


Le pianiste frappe l’intérieur de son instrument avec un fouet ; le geste n’est-il donc pas assez explicite qu’on doive ainsi le dédoubler sur scène d’une manière aussi bruyante et tapageuse ? On aurait aimé davantage de finesse dans ce « mystère de chambre », au lieu de cette débauche d’effets donnant à voir ce que la musique suggère si bien.


Le comédien Eric Houzelot ne se ménage guère en double du « divin marquis » concupiscent et épuisé de stupre, notamment lors de la première scène où il se met « explicitement » en situation. Face à lui, Raquel Camarinha (Justine/Juliette), à défaut de posséder ces « teintes sombres de mezzo alliées à une considérable agilité dans les aigus » que le compositeur appréciait chez la créatrice Cathy Berberian, réalise une belle performance, entre cris et chuchotements.


En revanche, nous ne monnayerons pas notre enthousiasme devant le travail de bénédictin accompli par Léo Warynski et son ensemble Multilatérale, spécialement le solo d’orgue liminaire, riche en clusters. Leur lecture sensuelle compense les abus de la lecture scénique.



Jérémie Bigorie

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com