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Sabine Devieilhe ou le style français

Paris
Philharmonie
11/14/2017 -  et 12 (Lieusaint), 15 (Douai), 17 (Versailles), 18 (Compiègne) novembre 2017
Ambroise Thomas : Mignon: Ouverture et air «Je suis Titania la blonde» – Raymond: Ouverture – Hamlet: air «A vos jeux, mes amis»
Léo Delibes : Coppélia: Prélude et Valse – Lakmé: Air de danse, airs «Les fleurs me paraissent plus belles» & «Légende de la fille du Paria»
Hector Berlioz : La Mort d’Ophélie
Maurice Delage : Quatre poèmes hindous
Igor Stravinski : Le Rossignol: «Chanson du Rossignol»
Camille Saint-Saëns : La Princesse jaune, opus 30: Ouverture
André Messager : Madame Chrysantème: air «Le jour sous le soleil béni»

Sabine Devieilhe
Les Siècles, François-Xavier Roth (direction)


S. Devieilhe (© Molina Visuals)


La pierre d’achoppement des sopranos coloratures, c’est l’au-delà des notes, surtout des notes aiguës : beaucoup s’en tiennent à la seule performance. Comme Natalie Dessay hier, Sabine Devieilhe donne une âme à des héroïnes trop souvent réduites à un air : son concert à la Philharmonie vient d’en témoigner, qui reprend d’ailleurs l’essentiel de l’album « Mirages » qu’Erato publie parallèlement. Mais François-Xavier Roth et ses Siècles, cette fois, ne sont pas cantonnés à l’accompagnement : ils font entendre des pages orchestrales d’opéras ou de ballets français – Stravinski est le seul compositeur étranger au programme, mais son Rossignol a des chatoiements impressionnistes et le volatile descend aussi de Lakmé...


L’Ouverture de Mignon révèle une belle énergie théâtrale et de jolies couleurs, avant que la Polonaise de Philine montre toutes les qualités de la soprano : une maîtrise impressionnante de l’émission, avec un descrescendo sur un contre-mi bémol, un phrasé plus velouté que le timbre, moins rond que cristallin, une articulation exemplaire... un léger savonnage des gammes rapides aussi. La Mort d’Ophélie de Berlioz convainc moins : elle appelle une voix plus centrale, au médium plus corsé – mais on écoute beaucoup les sonorités très évocatrices de l’orchestre. Après une bondissante Ouverture de Raymond, ressuscitée en son temps par Leonard Bernstein, la scène de folie de l’Ophélie d’Ambroise Thomas est chantée par une Sabine Devieilhe plus épanouie qu’en Philine, avec des pianissimi liquides, une aisance technique confondante et, surtout, un art de la caractérisation : voici une Ophélie fragile et blessée mais pas évanescente, à la vocalise brillante mais pudiquement habitée, sœur de cette Mélisande qu’elle nous donnera peut-être un jour – très différente de celle écorchée vive de Natalie Dessay.


Loin de toute virtuosité, les Quatre poèmes hindous de Maurice Delage exigent d’abord un sens de la déclamation suggestive, dans la tradition de la mélodie française, où Sabine Devieilhe s’inscrit aussitôt, il ne lui manque ici qu’un peu de sensualité. Il en manque en revanche beaucoup à l’orchestre, comme dans Stravinski, dont l’air du Rossignol, privé des vocalises qui précèdent et qui suivent n’a plus grand sens – heureusement, on les entend sur le CD. L’orientalisme marque toute cette seconde partie : après une délicieuse geisha de la Madame Chrysanthème de Messager, la soprano chante Lakmé, sans doute son rôle aujourd’hui. « Les fleurs me paraissent plus belles » se galbe dans une mélancolie frémissante et les Clochettes, après que François-Xavier Roth a réhabilité les rythmes et les couleurs du ballet, sont magnifiques, parce que, au-delà du tour de force, avec d’abord cette incroyable vocalise au contre-mi pianissimo, on entend bien la légende mystérieuse de la fille du Paria, à laquelle s’identifie la petite Lakmé. Sa mort, en premier bis, est d’une beauté très pure. La Romance d’Ariel de Debussy aussi, avec des aigus de rêve, malheureusement gâchée par le piano pauvre et sans harmoniques d’Alexandre Tharaud : une surprise dont on se serait passé.


Pourquoi aime-t-on Sabine Devieilhe ? Parce qu’elle incarne le style français.



Didier van Moere

 

 

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