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Seconds transports (festivaliers) que nul n’oublie… Le volet instrumental.

Montpellier
Opéra Berlioz
07/17/2001 -  et 26 juillet et 1er août 2001

Ernö Dohnányi : Minutes symphoniques, opus 36 - Variations
sur une chanson d’enfant pour piano et orchestre, opus 25

Bedrich Smetana : Ma Patrie, trois extraits : la Moldau, Sarka,
Par les prés et les bois de Bohême

Budapest Festival Orchestra, Iván Fischer (direction)
Jenö Jandó (piano)


Alexandre Raskatov : The Season’s Digest, d’après Tchaïkovsky.
Leonid Desyatnikov : Saisons russes pour violon, soprano et cordes
Franz Schubert : Quintette en ut majeur D 956 transcrit par Gidon Kremer

Kremerata Baltica, Gidon Kremer (violon et direction )
Yulia Korpacheva, (soprano)


Piotr Ilitch Tchaïkovsky : Symphonie n° 4 en fa mineur, opus 36
Edward Elgar : Symphonie n° 1 en la bémol majeur, opus 55

European Union Youth Orchestra, Colin Davis (direction)


Quelle fabuleuse leçon de direction d’orchestre a dispensé ce Mardi 17 Juillet Iván Fischer à la tête d’un ensemble symphonique somptueux ! D’autant que le programme fréquentait en partie des contrées peu explorées. D’abord était honoré un grand compositeur hongrois injustement négligé par les salles de concerts en France (un de plus !) : Ernö Dohnányi. Et pourtant les Minutes symphoniques, brèves miniatures aux rythmes alertes et savamment colorés ne manquent pas de saveur. Que dire alors de cette « plaisanterie musicale » que sont les pétillantes Variations pour piano et orchestre, construites autour du thème mozartien archi-connu : « Ah ! vous dirai-je maman » ; comme un Brahms qui se serait encanaillé.

C’est pourquoi on regretterait presque de n’entendre que des extraits de Ma Patrie, tant on s’enivre de sonorités coruscantes, de vents infaillibles et de cuivres impeccables. Un sens inné de l’équilibre, conjugué à la précision et à la netteté des attaques : décidément tout concourt à conférer un souffle d’épopée, imprégné d’une teinte quasi wagnérienne, à la musique de Smetana. Au reste, le maestro sculpte avec panache chaque ligne musicale, recréant en quelque sorte la partition devant un auditoire proprement médusé.

Il n’est pas de moyenne montagne à Montpellier, mais des hautes cimes ; l’amour de la Musique à l’état pur, et non point de demi-mesure. C’est ce que communique Gidon Kremer avec, en entrée, deux œuvres contemporaines rares et originales. La première vise à recréer par une orchestration transparente les Saisons de Tchaïkovsky - à l’origine un cahier pour piano. Les trouvailles harmoniques et… chorales - tout à coup, les musiciens entonnent une douce mélopée - se révèlent des perles du plus bel éclat, s’irisant les unes les autres.

On pense à du Arvo Pärt en plus déluré, mâtiné d’un Webern ayant abusé de la Dive Bouteille - et l’on reconstruit du pur Tchaïkovsky XXI° siècle ! A réentendre d’urgence… Les Saisons russes de l’Ukrainien Desyatnikov dépaysent également ; il s’agit d’une curieuse cantate aux faux airs de madrigal, d’une facture toutefois actuelle. Autre révélation, on tombe en arrêt devant le timbre diaphane et immatériel de la soprano moscovite, nouvelle Ophélie ou Fille des Neiges : Yulia Korpacheva. Elle se joue avec une - apparente - facilité déconcertante des pièges de ce bouleversant cycle vocal, lequel rejoint en intensité ceux de Franck Martin ou de Chostakovitch : à donner parfois aux saints la nostalgie de la Terre.

Plus classique, la version orchestrée par Gidon Kremer d’une œuvre ultime de Schubert, composée à l’été 1828, souligne avec feu le tragique pré-mahlérien qui hante l’auteur du Voyage d’hiver. Là, il nous convie à un dernier voyage, celui dont on ne revient pas. Un lyrisme pessimiste, voire désespéré, traverse tout le quintette, qui annonce par endroits, n’était l’époque de sa composition, le climat si particulier de la Nuit transfigurée de Schönberg.

Au riche soleil chargé d’amours musicales de Montpellier, le concert de clôture se devait d’être transcendant. Mission accomplie : le miracle a opéré et ce, grâce à la rencontre idéale de l’expérience (sir Colin Davis) et de la jeunesse, frémissante et pleine d’ardente flamme ! La lecture de la Quatrième de Tchaïkovsky restera gravée dans les annales : point de la guimauve larmoyante qui obère souvent cette symphonie. Le chef britannique impose à la fois une puissance contenue et un ton de confidence intime - presque une approche brucknérienne (on songe à la Quatrième du maître de Saint-Florian), empreinte d’une certaine grandeur mêlée d’austérité.

Ce n’est qu’au terme du mouvement final que sir Colin entraîne ses troupes dans une frénésie démoniaque aux allures de délivrance. Une soirée déjà exemplaire peut trouver le moment de grâce suspendue qui en fait un authentique fragment d’éternité, par le biais de la majestueuse Symphonie d’Elgar. Certains cinéphiles la connaissent par le film Greystoke (avec Christophe Lambert) ; il faut avoir entendu le troisième mouvement - le sublime Adagio -, pièce déchirante et littéralement hypnotique, pour sentir à quel point il est difficile d’exprimer l’inexprimable surnaturel en musique avec des mots.

En conclusion : une édition fertile en moments-phares. Ainsi René Koering, paraphrasant Cendrillon de Massenet, peut-il déclarer : « la pièce est terminée, on a fait de son mieux pour vous faire envoler par les beaux pays bleus ». Malgré tout, on se serait volontiers passé de la « géniale » mise en espace de la fantaisie animalière Le Carnaval des Animaux de Saint-Saëns due à M. Scarpitta, la musique se suffisant à elle-même !




Etienne Müller

 

 

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