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Les jeunes dans La Ronde Paris Amphithéâtre Bastille 11/02/2017 - et 4, 6*, 8, 10, 11 novembre 2017 Philippe Boesmans : Reigen (arrangement Fabrizio Cassol) Sarah Shine (La prostituée), Juan de Dios Mateos (Le soldat), Jeanne Ireland (La femme de chambre), Maciej Kwaniskowski (Le jeune monsieur), Marianne Croux*/Marie Perbost (La jeune femme), Mateusz Hoedt (Le mari), Farrah El Dibany (La grisette), Jean-François Marras (Le poète), Angélique Boudeville/Sofija Petrovic* (La cantatrice), Danylo Matviienko (Le comte)
Orchestre-Atelier Ostinato, Jean Deroyer (direction musicale)
Christiane Lutz (mise en scène)
J. Ireland, M. Kwaniskowski (© Studio J’Adore Ce Que Vous Faites!)
En février 2009, l’Amphi Bastille avait une première fois programmé La Ronde, une des plus grandes réussites de Philippe Boesmans, avec l’Opera Studio Nederland, équivalent de l’Atelier lyrique hier, de l’Académie aujourd’hui. On entendait déjà l’arrangement de Fabrizio Cassol, que Jean Deroyer dirige maintenant avec une grande clarté, faisant passer, comme le compositeur, l’ombre de Berg ou la tradition de l’opéra. Sa direction manque seulement de tension, élément si fondamental pour cet opéra en dix scènes que le regretté Luc Bondy a adapté de la pièce de Schnitzler. Est-ce pour cela que l’on regrette tout d’un coup l’orchestre originel ?
Cette tension, on la retrouvait aussi dans la mise en scène de Harry Kupfer. Christiane Lutz, elle, adopte une lecture moins expressionniste, plus axée sur la suggestion – même si elle n’élude rien de cet érotisme à la fois forcené et triste unissant des couples qui n’en sont pas, même si elle manie volontiers l’humour ici ou là, fidèle à la musique de Boesmans. L’ensemble manque néanmoins de vie, malgré les vidéos tournées autour de l’Opéra et de Bastille, où les personnages se rencontrent : on reste très en deçà des enjeux de l’œuvre, d’autant plus que la direction d’acteurs ne parvient pas toujours, non plus, à transformer les jeunes chanteurs en vrais personnages de théâtre.
Heureusement, ils ont des voix et forment un plateau de grande qualité, flattés évidemment par l’adaptation de l’original – qui a l’aval du compositeur. Certes le Mari de Mateusz Hoedt, belle voix de basse, reste un peu engoncé, la Jeune Fille de Farrah El Dibany devra assouplir l’émission de son impressionnant mezzo profond. Mais Sofija Petrovic est plus diva que nature, Danylo Matviienko a le mordant racé du Comte, le couple le meilleur étant formé par le Jeune Homme de Maciej Kwaniskowski, ténor assumant ses aigus perchés, et la Femme de chambre de Jeanne Ireland, mezzo au timbre chaud, tous deux d’une grande maturité vocale. Jean-François Marras assure en Poète, Marianne Croux a la jeunesse de la Jeune Femme, Sarah Shine et Juan de Dios Mateos, Prostituée et Soldat, à qui échoit la première scène, sont encore un peu verts mais ne faiblissent pas.
C’est le premier spectacle de l’Académie : un défi relevé – commencer par une telle partition n’allait pas de soi, même si Boesmans, on le sait, écrit très bien pour les voix. Malgré la pâleur de la production, les chanteurs ont fait tourner la Sex Machine de La Ronde. On ne manquera pas les prochains spectacles.
Didier van Moere
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