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Mandrake en sandwich

Strasbourg
Palais de la Musique
10/12/2017 -  et 13 octobre 2018
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 2, opus 36, et n° 5, opus 67
Christian Lindberg : Mandrake in the Corner

Nicolas Moutier (trombone)
Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


N. Moutier


L’Orchestre philharmonique de Strasbourg a choisi de mettre son cycle des neuf Symphonies de Beethoven en perspective avec une petite série d’œuvres contemporaines. L’idée n’est pas nouvelle (les programmes du défunt Orchestre du SWR de Fribourg et Baden-Baden ou encore l’intégrale discographique Beethoven de Mariss Jansons à Munich l’utilisaient également), mais avec des musiciens du calibre de Thomas Adès, Peter Eötvös, Qigang Chen, Friedrich Gulda, ou ici Christian Lindberg, le choix paraît du moins judicieux, en tout cas pas d’une modernité de langage trop effrayante. Une ouverture intéressante vers de nouveaux horizons, surtout face à un public qui a priori s’est plutôt déplacé pour Beethoven.


Le Suédois Christian Lindberg, c’est un peu le Rostropovitch du trombone. Un monstre sacré à qui l’on doit un élargissement considérable du répertoire écrit pour son instrument : Xenakis, Berio, Takemitsu, Nyman... des créations par dizaines. Avec la particularité que ce virtuose compose lui aussi, sans se prendre trop au sérieux, veine ludique voire humoristique qui n’exclut pas des difficultés techniques redoutables. Les titres sont souvent décalés, rivalisant avec Satie : Octopus Panda, Brainrubbish, Salute to a Sausage Society, Cardiac Treasures... ce qui n’annonce a priori rien de rébarbatif. Et de fait, Mandrake in the Corner, pour trombone et orchestre, est un concerto en trois mouvements d’écoute agréable. Motorique stravinskienne à l’orchestre, incluant des jeux de timbres subtils mais qui défilent toujours à vive allure, autour d’un beau Lento plus lyrique. Nicolas Moutier, sorti des rangs de l’Orchestre de Strasbourg, y fait valoir un bagage technique colossal, voire un certain humour lié au volume même de son trombone, dont certaines dentelles sonores, obtenues par de frénétiques jeux de coulisse, ont un délicieux côté décalé. Belle cantilène au milieu, extrêmement difficile à bien phraser avec un instrument aussi capricieux (un abyssal fa grave final reste coincé quelque part dans le tuyau...). Assurément de bons moments.


En ouverture, effectif orchestral relativement réduit pour la Deuxième Symphonie de Beethoven, d’essence encore haydnienne. La transparence des cordes devrait ainsi en principe mettre en valeur au mieux une petite harmonie où malheureusement ne jouent pas ce soir tous les meilleurs titulaires. Le résultat est un peu décevant au début, accusant aussi une certain fatigue générale de l’orchestre à l’issue d’une semaine particulièrement chargée. Mais sous la baguette de Marko Letonja le ressaisissement est rapide, privilégiant vivacité et rythmes enlevés, pour un résultat convaincant à certains fléchissements près. Clairement cette symphonie-là demande encore à être un peu creusée et apprivoisée par davantage de travail commun, et surtout en équipe stable.


Cinquième Symphonie après l’entracte, évidemment très attendue. Là l’effectif devient beaucoup plus lourd, avec les bois par quatre, mais l’Orchestre philharmonique de Strasbourg paraît dès lors bien davantage en confiance, rassuré peut-être aussi par cette supériorité numérique. Dès l’attaque des cordes la plénitude du son est saisissante et tout le monde s’engage dans la mêlée en ordre de parade. Marko Letonja n’a plus qu’à canaliser et modeler un matériau riche, presque débordant parfois, mais dont l’intensité fonctionne bien. Le résultat, intemporel, n’offre rien de nouveau par rapport à l’héritage d’un Furtwängler et d’un Klemperer mais on n’en a cure, car l’impact épique d’une telle vision reste fondamentalement impressionnant. Ceux qui en ont envie peuvent toujours écouter aussi l’ultime témoignage discographique d’un Harnoncourt, sonorités émaciées, livides, sidérante hystérie morbide d’une symphonie In tempore belli: tout pour l’expérimentation, rien pour la beauté. Ici, c’est clairement le contraire, mais au-delà de toutes disputailleries esthétiques, remercions bien bas Marko Letonja et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg pour ce moment d’éternité.



Laurent Barthel

 

 

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