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Le choix du finale Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 10/11/2017 - et 14* octobre 2017 Gioachino Rossini: Tancredi Enea Scala (Argirio), Salome Jicia (Amenaide), Marie-Nicole Lemieux (Tancredi), Ugo Guagliardo (Orbazzano), Lena Belkina (Isaura), Blandine Staskiewicz (Roggiero)
Chœur d’hommes de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Giuliano Carella (direction)
M.-N. Lemieux (© La Monnaie)
La nouvelle saison de la Monnaie comporte deux opéras en concert, trois s’il faut compter La Voix humaine, le 24 septembre dernier. Avant Léonore, le 26 octobre, dirigé par René Jacobs, le public a le choix, pour Tancrède (1813), dans la version de Venise, entre le lieto fine, le mercredi 11 octobre, et, le samedi suivant, le final doux et sombre composé pour Ferrare, quelques jours après la création : cette seconde conclusion se rapproche plus de la tragédie de Voltaire.
Une distribution de haut vol défend le premier chef-d’œuvre de Rossini dans le genre sérieux. Marie-Nicole Lemieux, une des grandes titulaires du rôle-titre, livre avec son engagement habituel une saisissante composition de Tancrède. Cette contralto au tempérament affirmé en impose par sa voix, solidement campée, dans les graves comme dans les aigus, qu’elle décroche avec vaillance, en soudant parfaitement les registres. Du très beau chant, bien que la palette de couleurs et la souplesse demeurent un peu trop limitées pour ressentir les plus grands vertiges.
La Québécoise ne déséquilibre heureusement pas le plateau. En la personne d’Enea Scala, le public acclame aussi un authentique ténor rossinien, voix pleine et puissante, jamais criarde ni nasale, toujours maîtrisée et raffinée. Doté d’un timbre splendide, cet habitué du Festival de Pesaro affiche un style impeccable en Argirio. L’instrument richement timbré de Salome Jicia procure également bien du plaisir. La soprano géorgienne s’épanouit dans le rôle d’Amenaide, qu’elle chante avec agilité et délicatesse, avec une ornementation et un vibrato sans reproche. Cependant, elle sonde plus sommairement le profil psychologique de son personnage, malgré la puissance de l’incarnation, mais cela s’explique sans doute par l’absence de mise en scène.
Lena Belkina profite du rôle d’Isaura pour mettre en valeur un timbre charmant et assurer sans faiblesse une prestation de grande tenue. Ugo Guagliardo doit en revanche trop peu accomplir en Orbazzano pour exploiter pleinement le potentiel de sa voix de basse et prouver son adéquation stylistique dans cette musique. Dans la figure secondaire de Roggiero, Blandine Staskiewicz intervient avec finesse et assurance mais se montre moins virtuose et puissante que ses partenaires.
La direction peu inventive de Giuliano Carella présente moins d’intérêt. Le chef règle toutefois l’impulsion et la dynamique avec rigueur, tout en veillant à la cohésion. L’orchestre se montre précis et expressif, les cordes, en particulier, tendent de belles courbes et les bois ravissent à plusieurs reprises par leur finesse, mais la sonorité globale ne présente pas toujours la légèreté et la transparence attendues. Taire la prestation des choristes constituerait une injustice : préparés par Martino Faggiani, ils livrent une prestation remarquée et s’intègrent naturellement dans l’ensemble.
Concluons sur une anecdote qui en dit long sur les incivilités de notre époque. Tandis que Marie-Nicole Lemieux entame le récitatif de son premier air, un des plus beaux de cet opéra, un téléphone portable retentit interminablement, un bruit laid et incongru qui oblige finalement la chanteuse et le chef à s’interrompre. Retentit soudain un Fuori ! venant du public, puis, la sonnerie persistant, un très colérique Get out, now! à l’adresse du malotru. Selon un autre témoin de la scène, cette injonction applaudie par le public provenait du directeur de la Monnaie.
Sébastien Foucart
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