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Le pain ordinaire

Antwerp
Opera Vlaanderen
10/01/2017 -  et 3, 5, 8*, 10 octobre 2017
Erich Wolfgang Korngold: Das Wunder der Heliane, opus 20
Ausrine Stundyte (Heliane), Tómas Tómasson (Der Herrscher), Ian Storey (Der Fremde), Natascha Petrinsky (Die Botin), Markus Suihkonen (Der Pförtner), Denzil Delaere (Der Schwertrichter), Dejan Toshev (Der junge Mensch), William Helliwell (Erster Richter), Mark Gough (Zweiter Richter), Onno Pels (Dritter Richter), Erik Dello (Vierter Richter), Thierry Vallier (Fünfter Richter), Thomas Mürk (Sechster Richter), Chia-Fen Wu, Nam Hee Kim (Seraphische Stimme)
Kinderkoor en Koor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef des chœurs), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Alexander Joel (direction)
David Bösch (mise en scène), Christof Hetzer (décor, costumes), Michael Bauer (lumières)


(© Annemie Augustijns)


L’Opéra des Flandres a l’habitude de s’écarter des sentiers battus. Après un Sadko peu marquant, la nouvelle saison débute avec Le Miracle d’Héliane (1927) de Korngold. Une véritable rareté, mais cet ouvrage postérieur à La Ville morte figurait déjà en 1970 à l’affiche à l’Opéra de Gand qui fonctionnait, à l’époque, indépendamment de celui d’Anvers. Le metteur en scène sait ce qu’il peut se permettre : David Bösch développe une interprétation sombre et violente de cette œuvre dont il n’existe qu’un seul enregistrement, dans la collection «Entartete Musik» de Decca. Le metteur en scène situe le drame dans un univers sordide et dévasté, sorte de friche industrielle, en un lieu et un temps indéterminés, probablement dans un futur post-apocalyptique. Les costumes à l’avenant transforment les personnages en êtres répugnants ou pathétiques, voire les deux. Ce genre de scénographie volontairement laide constitue trop souvent le pain ordinaire de cette maison, mais des constantes demeurent : l’intensité de la direction d’acteur et l’engagement inconditionnel des interprètes.


Le metteur en scène échoue toutefois à conserver l’attention, faute d’un angle d’attaque original et d’une conception plus gracieuse de cette obscure histoire d’un peuple opprimé par un despote, d’un étranger enseignant le bonheur, d’amour illicite, de résurrection. Ce spectacle laborieux et trop convenu dans le genre trash manque donc d’impact, ce qui tempère fortement notre enthousiasme, et pas uniquement parce qu’Héliane ne dévoile pas sa nudité à l’Etranger, comme prévu par le livret, mais se dévoile à lui dans une robe de chambre des plus ordinaires – de toute façon, un contexte tellement crasseux ne peut que mettre à mal la libido. Le deuxième acte et, surtout, le troisième, marqué par la présence saisissante des chœurs, réservent toutefois quelques moments puissants, mais tous ces personnages fortement typés, certains ressemblant à des zombies – encore un cliché – ne suffisent pas à rendre cette mise en scène vraiment palpitante, malgré sa cohérence visuelle. Elektra en 2014, Idoménée en 2016, ceci aujourd’hui: David Bösch donne l’impression qu’il a peu de choses à nous dire.


Heureusement, le volet musical procure de nombreuses satisfactions. Sans surprise, l’orchestre atteint un degré de cohésion et de finition élevé. Alexander Joel ne parvient pas toujours à transformer le plomb en or, mais la clarté de sa direction évite de rendre trop indigeste cet opéra intensément lyrique et de nature parfois nettement cinématographique – le compositeur écrivait également pour Hollywood. Cette musique profuse et rutilante évoque aussi souvent celles de Strauss, Zemlinsky et même ponctuellement Mahler, mais en plus massif et en moins subtil. Les chœurs se surpassent également, en particulier dans un troisième acte haletant, du moins au début.


Les chanteurs s’investissent sans réserve mais certains semblent éprouver quelques difficultés. L’écrasant rôle-titre dépasse parfois les capacités d’Ausrine Stundyte, qui compense par son engagement et son endurance la dureté du timbre et le manque de raffinement du chant. Ian Storey a le tempérament et la capacité d’un Heldentenor, mais la voix manque par moments de souffle, à moins que cela ne participe à la composition de l’Etranger, personnage faible et malmené. Tómas Tómasson se montre plus que solide en Monarque, probablement l’incarnation la plus aboutie, notamment sur le plan psychologique. Il se révèle bien plus nuancé que ce que la bête épaisse qu’il incarne suggère dans un premier temps. Le baryton islandais délivre pour couronner le tout un chant de haut niveau, caractérisé par une émission et une intonation impeccables. L’orchestre couvre parfois Natascha Petrinsky, crédible en militaire sexy et fanatique, mais la mezzo-soprano parvient à clarifier sa ligne vocale à d’autres moments. Le spectacle dévoile, en outre, le talent de deux membres de la troupe de jeunes, Markus Suihkonen et plus encore Denzil Delaere, doté d’un timbre de ténor d’une grande pureté.



Sébastien Foucart

 

 

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