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Dr. Ronger and Mr. Hervé Toulon Opéra 10/13/2017 - & 15* octobre (Toulon), 14, 15, 17, 19, 20 décembre (Nantes) 2017 Hervé: Mam’zelle Nitouche Lara Neumann (Denise de Flavigny), Eddie Chignara (Le Major, comte de Château-Gibus), Antoine Philippot (Le directeur), Damien Bigourdan (Célestin), Samy Camps (Fernand de Champlâtreux), Olivier Py (Loriot, La Supérieure, Corinne), Pierre Lebon (Gustave), David Ghilardi (Robert), Pierre-André Weitz (Le régisseur), Sandrine Sutter (La Tourière, Sylvia), Clémentine Bourgoin (Lydie), Ivanka Moizan (Gimblette)
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Toulon, Jean-Pierre Haeck (direction musicale)
Pierre-André Weitz (mise en scène, costumes, scénographie), Bertrand Killy (lumières), Iris Florentiny (chorégraphie), Palazetto Bru Zane (production)
(© Frédéric Stéphan)
Louis-Auguste-Florimond Ronger (1825-1892), alias «Hervé», doit sa discrète postérité à une pochade intitulée Le Petit Faust (1859), à l’opéra bouffe Les Chevaliers de la Table Ronde (1866) - également mis en scène par Pierre-André Weitz à Bordeaux en 2015 (ce spectacle revient à Caen en décembre prochain), mais surtout à l’opérette Mam’zelle Nitouche (1883), sur un livret d’Henri Meilhac et Albert Millaud. Cette dernière sera reprise au cinéma avec succès par Raimu dans le rôle de Célestin en 1931, puis Fernandel en 1954 sous la houlette des frères Allégret. Testament musical d’Hervé - même si ce n’est pas sa dernière œuvre - Mam’zelle Nitouche passe pour être la plus accomplie du compositeur houdinois. Ce «vaudeville-opérette» mélange avec bonheur la verve comique d’un Lecoq, le ton alerte des revues de café-concert et le rythme soutenu du théâtre parlé de Labiche. Et puis, comment ne pas voir dans cette histoire légère un brin d’autobiographie? Le très respectable organiste de Saint-Eustache Florimond Ronger n’aimait-il pas, le soir venu, s’encanailler dans les cafés parisiens en poussant les chansonnettes qu’il avait composées entre deux cantates de Pergolèse?
Le livret raconte donc l’histoire de l’organiste Célestin, professeur de musique au Couvent des Hirondelles où il a pour élève la jeune Denise de Flavigny. Il devient tous les soirs «Floridor», compositeur de musique légère. Attirée par les feux de la rampe, Denise devient «Mam'zelle Nitouche», chanteuse à succès, et séduit sous ce déguisement son propre fiancé, le lieutenant des dragons Fernand de Champlâtreux.
On doit cette résurrection à l’initiative du Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française sis à Venise dont la vocation est de «favoriser la redécouverte du patrimoine musical français du (...) XIXe siècle».
Sans toutefois égaler la qualité des meilleures opérettes d’Offenbach, de Johann Strauss fils, ou de Franz Lehár, l’œuvre d’Hervé n’est pas, pour autant, dénuée de qualités, offrant même quelques pages charmantes et endiablées. La mise en scène proposée par Pierre-André Weitz nous entraîne effrénément dans un tourbillon allègre et bondissant, le cocasse le disputant au burlesque et l’humour leste aux plaisanteries potaches, avec, ici et là, quelques bons mots ou autres clins d’œil. La scène dégage une incroyable énergie et ne laisse aucune place à l’ennui.
En infatigable cabotin version drag queen, Olivier Py, dans les rôles de la Supérieure, de Corinne, et de Loriot, est omniprésent, n’hésitant jamais à faire ombrage au rôle-titre. Heureusement, la Mam’zelle Nitouche de Lara Neumann ne manque pas d’abattage, qualité indispensable pour ce rôle qui porte presque toute la responsabilité des airs et des duos. La voix est claire et l’aplomb ne fait pas défaut. Autant de qualités que l’on retrouve dans le Célestin de Damien Bigourdan. Les autres rôles ont moins de relief, mais tous sont tenus avec talent, notamment celui du Major d’Eddie Chignara.
Bonne tenue de l’orchestre et des chœurs de l’Opéra de Toulon sous la baguette virevoltante et enthousiaste de Jean-Pierre Haeck qui confère à cette musique toute l’alacrité qu’elle mérite.
Après Toulon et Angers-Nantes, cette Mam’zelle Nitouche sera proposée à Limoges en octobre 2018, à Montpellier le mois suivant, puis à Rouen en novembre et décembre de la même année, et enfin à Bruxelles en 2019/2020.
Christian Dalzon
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