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Elégance viennoise Paris Théâtre des Champs-Elysées 10/05/2017 - et 29 (Bratislava), 30 septembre, 1er (Wien), 6 (Baden-Baden), 7 (Berlin), 8 (Milano) octobre 2017 Johannes Brahms : Ouverture tragique, opus 81
Joseph Haydn : Symphonie concertante en si bémol majeur, Hob.I:105
Béla Bartók : Concerto pour orchestre, Sz. 116 Martin Gabriel (hautbois), Sophie Dartigalongue, (basson) Rainer Honeck (violon), Robert Nagy (violoncelle)
Wiener Philharmoniker, Zubin Mehta (direction)
Z. Mehta (© Oded Antman)
C’est une habitude de plus de vingt-cinq ans maintenant de pouvoir écouter plusieurs fois par an le prestigieux Orchestre philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Elysées. Pour ce premier programme de la saison, c’est Zubin Mehta qui était au pupitre, un fidèle de cet orchestre depuis plus de cinquante ans. Au programme ce soir, plutôt du classique, il est vrai un peu attendu, des œuvres données récemment à Bratislava et à Vienne et bientôt à Baden-Baden, Berlin et Milan.
L’Ouverture tragique de Brahms, finalement assez rare au concert, permet d’emblée d’apprécier les immenses qualités, certes connues, mais toujours impressionnantes de l’orchestre: beauté et unisson des cordes, lisibilité, flexibilité, sens du jouer ensemble. L’acoustique sèche, notamment par rapport à celle de la Philharmonie de Paris, surprend au début mais l’auditeur s’y habitue rapidement. Une minime imprécision des trombones et d’un tutti ne gâchent en rien le plaisir d’une lecture à la fois apaisée et tendue.
Un rapide changement de plateau permet d’entendre ensuite une Symphonie concertante de Haydn de toute beauté. Pour l’occasion, des membres de l’orchestre jouent ici les parties solistes. Rainer Honeck, un des Konzertmeister, est au violon, Robert Nagy au violoncelle, Martin Gabriel au hautbois et la Française Sophie Dartigalongue, qui a rejoint en 2015 cet orchestre de légende, au basson. Mehta instaure d’emblée un magnifique climat grâce ici aussi à une lecture équilibrée permettant de goûter le raffinement d’une musique qui n’a jamais paru autant viennoise bien que composée à Londres. Le dialogue, d’abord à deux, puis à quatre et de nouveau à deux, entre les instrumentistes et l’orchestre est d’une grande élégance. Et le timbalier s’intègre parfaitement à l’ensemble avec précision et sans jamais d’excès. Aucun effet donc dans cette lecture probe d’un Haydn définitivement classique: du grand art!
Après l’entracte, place au Concerto pour orchestre de Bartók, une œuvre qui n’a plus de secret ni pour cet orchestre ni pour Mehta, qui la dirige depuis de très nombreuses années. Les solistes, hormis la bassoniste, reprennent alors leur place au sein de l’orchestre, un signe dans un ensemble ou le collectif prime sur l’individuel. Le chef et ses musiciens nous livrent une interprétation au sommet et qui cherche à chaque instant à mettre en avant l’incroyable modernité de cette œuvre. On en arrive même par moments à penser à Ligeti. Le deuxième mouvement est particulièrement réussi, avec ses interventions successives des vents dans des harmonies serrées qui sonnent magnifiquement. Certaines attaques parfois imprécises des cordes et un surprenant ralenti à la toute fin de l’œuvre apparaissent finalement comme des réserves marginales tant le niveau de cette lecture, servi par un orchestre magistral, est hors du commun.
En bis, les Viennois offrent à un public conquis une lecture pleine de rubato, de charme et d’énergie d’une valse de Johann Strauss.
Prochain rendez-vous viennois au Théâtre des Champs Elysées le 10 avril 2018 sous la baguette d’Andrés Orozco-Estrada avec Yefim Bronfman dans deux concertos, le Troisième de Beethoven et le Deuxième de Bartók, et également dans Stravinsky. Mais continuons d’espérer pouvoir bientôt entendre cet orchestre à Paris dans une acoustique rendant mieux justice à ses magnifiques qualités.
Gilles Lesur
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