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Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Montpellier Opéra-Comédie 06/26/2017 - et 29* septembre, 1er octobre 2017 Gioachino Rossini : L’Italiana in Algeri Hanna Hipp (Isabella), Alasdair Kent (Lindoro), Pauline Texier (Elvira), Burak Bilgili (Mustafà), Armando Noguera (Taddeo), Marie Kalinine (Zulma), Daniel Grice (Haly)
Chœur Opéra national Montpellier Occitanie, Noëlle Gény (chef de chœur), Orchestre national Montpellier Occitanie, Michel Schønwandt (direction musicale)
David Hermann (mise en scène), Rifail Ajdarpasic (décors), Bettina Walters (costumes), Fabrice Kebour (lumières), Joerg Debbert (effets sonores)
(© Marc Ginot)
Créée en février 2012 à l’Opéra de Nancy, la production de David Hermann reprise à Montpellier était précédée d’une réputation avantageuse fondée sur sa mise en scène pétillante et son décors spectaculaire dû à Rifail Ajdarpasic: un Boeing écrasé en pleine jungle, dont la carlingue (envahie par la brousse) et les accessoires donneront lieu à autant de gags: rangées de sièges avec masques à oxygène tombant du plafond lors du final délirant du premier acte, alcools du chariot à boissons mis à profit pour faciliter la mutation de Mustafà en «Pappataci», réacteur – dont l’hélice, surélevée, tourne à la manière d’un moulin à vent – servant de prison à Lindoro, décollage de l’avion en lieu et place du navire larguant les amarres... Mustafà, quant à lui, règne sur une tribu zouloue sortie tout droit d’un illustré d’anthropologie! Mais en réduisant l’espace scénique, ce décor monumental favorise du même coup une direction d’acteurs subtile, centrée sur le désir; ainsi se voient réunis les deux ressorts principaux de L’Italienne à Alger (1813), chef-d’œuvre d’un compositeur de vingt-et-un ans: la farce et l’amour.
Côté fosse, Michel Schønwandt, après une Ouverture étrange où chacun semble chercher ses marques, ne perd jamais de vue le tactus rossinien que cadencent quatre scènes les plus folles du théâtre lyrique. Un petit regret: les gradations dynamiques du fameux crescendo pourraient être davantage ménagées entre les nuances mezzo forte et fortissimo. Mais un réel travail d’équilibre entre les pupitres est accompli, et les vents (cors) de l’Orchestre de Montpellier s’en tirent avec les honneurs. Epinglons enfin l’espièglerie du continuiste (pianoforte) qui, lors d’un récitatif, glisse subrepticement le thème de la Sérénade du comte Almaviva.
Le plateau vocal s’impose avant tout par son équilibre, quand trop de distributions (c’est le cas de l’enregistrement fameux avec Maryline Horne chez Erato) gravitent autour d’un chanteur charismatique et par trop écrasant. La prise de rôle de Hanna Hipp en Isabella est un succès, bien que le disque nous ait habitués à des timbres de contralto colorature plus capiteux. Son abattage scénique et son art de la diminution nous valent un mémorable «Vedi per tutta Italia» chanté sur le souffle. Ses partenaires ne sont pas en reste: Armando Noguera campe un Taddeo d’une vis comica irrésistible quand Burak Bilgili, après un premier air aux vocalises périlleuses, gagne en assurance et en tenue. Comprimari à l’avenant, avec une mention spéciale pour une Pauline Texier en verve dans le rôle toujours un peu ingrat d’Elvira et le Haly très bourreau d’opérette de Daniel Grice. Mais la grande révélation de la soirée demeure la prise de rôle d’Alasdair Kent en Lindoro: noblesse de la ligne et de la projection, aigus en dentelle baignent «Languir per una bella» dans un songe... On tient là ce tenore di grazia que Rossini appelait de ses vœux!
Jérémie Bigorie
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