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Mystère de la transparence

Paris
Opéra Bastille
09/19/2017 -  et 23*, 27 septembre, 1er, 6 octobre 2017
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Etienne Dupuis (Pelléas), Luca Pisaroni (Golaud), Franz-Josef Selig (Arkel), Thomas Dear (Un médecin, Le berger), Elena Tsallagova (Mélisande), Anna Larsson (Geneviève), Jodie Devos (Le petit Yniold)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
Robert Wilson (mise en scène, décors, lumières), Giuseppe Frigeni (co-mise en scène), Frida Parmeggiani (costumes), Heinrich Brunke (lumières), Holm Keller (dramaturgie)


E. Tsallagova, E. Dupuis (© Charles Duprat/Opéra national de Paris)


Avant un Don Carlos (dans sa version française) très attendu qui, à compter du 10 octobre, associera Philippe Jordan à la direction musicale, Krzysztof Warlikowski à la mise en scène et une distribution réunissant Ildar Abdrazakov, Jonas Kaufmann, Sonya Yoncheva, Elīna Garanca et Ludovic Tézier, l’Opéra national de Paris a inauguré sa saison avec trois reprises: le tout récent (janvier 2017) Così d’Anne Teresa De Keersmaeker, la plus ancienne (décembre 1997) Veuve joyeuse de Jorge Lavelli et le Pelléas de Robert Wilson, autre héritage de l’ère Hugues Gall (février 1997) à avoir traversé les années.


Septembre-octobre 1997, mai-juin 2000, septembre-octobre 2004, février-mars 2012 (avec une captation vidéo publiée par Naïve) et février 2015, cette production, qui, à l’issue de ces cinq représentations supplémentaires, aura atteint sa quarante-huitième, a, hélas comme tant d’autres, migré de Garnier à Bastille où, décidément, les voix, qui ne sauraient abuser des décibels dans le «drame lyrique» de Debussy, ont tendance à se perdre. Mais ses qualités, désormais bien connues, demeurent: décidément le symbolisme sied à la manière systématique et reconnaissable entre toutes du metteur en scène texan. Certes, le statisme des protagonistes en même temps que leur gestuelle saccadée et le dépouillement radical de la scénographie, dont l’élément essentiel réside dans les éclairages, ne convertiront sans doute pas ceux qui demeurent rétifs à la pièce de Maeterlinck mais la raideur des personnages aux visages livides suggère avec pertinence des figures préraphaélites et la dramaturgie s’accorde pleinement à l’esprit du texte. La froideur désincarnée de cette épure n’est que superficielle: non seulement Wilson, comme toujours, conçoit des images d’une saisissante beauté, avec ses ombres et son anneau lumineux, mais il invite le spectateur à aller au-delà des apparences et des conventions pour atteindre la vérité du propos.


En cela, la direction de Philippe Jordan interagit idéalement avec la scène et participe au mystère de la transparence par une lecture précise et subtile, limpide et raffinée, d’une infinie délicatesse, veillant à ne pas couvrir les chanteurs tout en ne s’interdisant pas de brusques et terribles accès de violence ou des éclats sonores, comme pour la remontée des souterrains au troisième acte: une véritable symphonie avec voix où s’illustre le magnifique Orchestre de l’Opéra mais dans laquelle les bruits de la machinerie et les quintes de toux, bien présents les uns comme les autres en ce samedi soir, n’en paraissent que plus incongrus.


Fallait-il craindre pour l’idiotisme de la ligne vocale et de la prosodie avec ce Pelléas donné sans un seul Français sur le plateau? Tous ne se tirent pas avec la même aisance de ce piège, mais aucun ne passe complètement à côté du sujet. Cela étant, les francophones bénéficient sans doute d’une petite prime, à commencer par Etienne Dupuis: le baryton canadien, impeccable sur l’ensemble de la tessiture si particulière du rôle-titre, séduit également par son timbre et son phrasé. On peut en dire autant d’Elena Tsallagova, qui confirme l’excellente impression laissée en 2012 puis en 2015, d’une parfaite justesse, sans faiblesse dans quelque registre que ce soit. On retrouve également la douceur, la noblesse et l’humanité merveilleuses de Franz-Josef Selig, un Arkel aux graves soyeux mais bien moins pontifiant qu’on ne le joue généralement. Le Golaud torturé et très habité de Luca Pisaroni, s’il n’est pas réellement en difficultés, ne passe cependant pas toujours bien la rampe, semblant parfois manquer de projection et d’assurance. Enfin, autant Jodie Devos est à l’aise et bien distribuée en Yniold, Anna Larsson paraît peu intelligible et bien à la peine au-delà du médium.



Simon Corley

 

 

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