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Jordi Savall, prix Nobel de la paix !

Le Mans
Sablé-sur-Sarthe (Centre culturel)
08/23/2017 -  
«Orient-Occident»
Bulgarie: Danse du vent: introduction
Israël: Kamti Beivshan Layla (Cantique des Cantiques)
France: La Quarte Estampie royale (le Manuscrit du Roi, XIIIe siècle)
Istanbul: Hisar Agır Semai (Buhuri Zade Mustafa Efendi)
Chypre: Dillirga/Tillirkotissa (chanson et danse de Chypre)
Israël: El rey Nimrod (traditionnel séfarade)
Israël: La Moledet shuvi roni (Asher Mizrahi)
Roumanie: Der makām-ı Uzzäl Sakîl «Turna» Semâ’î
Grèce: To Yasemi (chanson d’amour de Chypre)
Jérusalem: Hermoza Muchachica (chanson traditionnelle séfarade)
Istanbul: Hisar buselik Sarki (Tanburi Mustafa Cavus)
Arménie: Ene Sarére (traditionnel arménien)
Israël: Shuvi Nav Shi (Yossef Ibn Sulai, chanson traditionnelle séfarade)
Moldavie: Der makām-i Hüseynī Sakīl i Aga Rızā
Chypre: Koniali (chanson et danse traditionnelle de Turquie)
Grèce: Apo Xeno Meros
Israël: Torah
Istanbul: Usküdar
Rhodes: Durme, Hermosa Donzella
Maroc: Ghazali (instrumental) et tutti (ensemble)

Lior Elmaleh (chant, Israël), Gürsoy Dinçer (chant, Turquie), Katerina Papadopulos (chant, Grèce)
Nedyalka Nedyalkov (ney), Haïg Sarikouyoumdjian (duduk), Yurdal Tokcan (oud), Hakan Güngör (kanun), Dimitri Psonis (santur, moresca), Pedro Estevan (percussions), Jordi Savall (viole à archet, lyre et direction)


(© Sébastien Gauthier)


La grande salle du Centre culturel de Sablé-sur-Sarthe était pleine à craquer pour ce concert donné par Jordi Savall et ses musiciens de l’ensemble Hespérion XXI qui, s’il respectait la thématique orientale du festival, se démarquait néanmoins de l’époque baroque célébrée au fil des concerts. Comme seul sait le faire le musicien catalan (on se souvient de son formidable voyage musical à travers l’histoire de Venise donné à Paris il y a quelques mois), ce concert était consacré à un dialogue des musiques chrétiennes, juives et musulmanes autour de la Méditerranée: autant dire qu’avec seulement trois chanteurs et six musiciens, il transporta littéralement la salle au fil d’une représentation d’exception.


Car ce qui est avant tout remarquable dans cette musique fort méconnue (encore que Jordi Savall ait enregistré deux disques «Orient-Occident» chez Alia Vox, permettant ainsi à tout un chacun de découvrir ce répertoire enivrant), c’est que la moindre sonorité suffit à dépayser l’auditeur. Dès le début de l’improvisation de Nedyalka Nedyalkov au ney (sorte de grande flûte oblique), nous sommes en Orient même si la musique était ici bulgare. Car, et c’est un autre trait remarquable de ce programme, bulgare, français, iranien, juif, marocain: la musique ne possède aucune caractéristique propre tant les filiations sont nombreuses, les influences diverses et les sonorités similaires. Nouvelle preuve que la musique ne connaît aucune frontière! Autre impression forte du programme: le sentiment que si un seul musicien manque à l’appel, c’est la totalité de l’édifice qui s’écroule, alors même qu’il ne produirait qu’un son filé lointain ou qu’il ne «gratterait» que quelques cordes. Les sept instrumentistes (si l’on y ajoute Jordi Savall lui-même) ne firent qu’un durant tout le concert. A plusieurs reprises, l’un d’entre eux commençait le morceau (le ney enivrant de Nedyalka Nedyalkov dans la Danse du vent, le tambourin vigoureux de Pedro Estevan dans Hermoza Muchachica, le jeu du oud, sorte de luth arabe mais dépourvu de frettes, manié avec dextérité par Yurdal Tokcan), avant que tous ne le rejoignent, souvent avec douceur dans un premier temps avant que la rythmique «arabisante» ne prenne rapidement le dessus. L’alchimie fonctionna à chaque instant: pour preuve, cet incroyable Ene Sarére venu d’Arménie, une seule corde de la viole de Jordi Savall accompagnant les mélopées du duduk (sorte de hautbois à l’anche double particulièrement large), le savant duo n’étant interrompu par les autres instrumentistes que lors de brefs intermèdes où la «dispute» entre les cordes pincées du kanun et les cordes frappées du santur (respectivement tenus par les formidables Hakan Güngör et Dimitri Psonis) fit merveille...


Des trois chanteurs, c’est peut-être Lior Elmaleh qui nous impressionna le plus, par sa déclamation et la chaleur de son timbre même si les deux autres furent tout aussi émouvants et à leur aise dans chacune de leurs interventions. Si chacun nous charmé, c’est souvent lorsque les trois voix se mêlèrent que le ressenti fut le plus fort: comment oublier l’exceptionnel Koniali, où ce fut Katerina Papadopulos qui commença, accompagnant son chant d’un délicat jeu de castagnettes, rejointe par ses deux amis puis par l’ensemble des musiciens, les mélodies jouant sur les ruptures, les silences et les relances avec un charme incroyable? Plus que jamais, le fait que de nombreuses œuvres venaient des Balkans (dont la traduction turque signifie «miel» et «sang») transparaissait avec une incroyable justesse dans les improvisations et le mélange des tonalités, chaque air, chaque morceau portant en lui une atmosphère qui lui était véritablement propre.


Salués par un public enthousiaste (comme à chaque concert de Jordi Savall, il faut bien l’avouer), les musiciens et chanteurs donnèrent en bis une chanson tzigane (Zajdi zajdi sauf erreur...) qui, après quelques mots du chef, particulièrement affecté en tant que catalan par les attentats ayant touché Barcelone, mots à l’adresse des réfugiés de par le monde (soulignons à cette occasion son formidable projet «Orpheus XXI» qui vise à aider des musiciens réfugiés de l’ensemble des pays actuellement touchés par la guerre et la misère aux Proche et Moyen-Orient) aura conclu de la plus belle manière cet hymne au pluralisme et au respect de l’autre. Alors, à quand Jordi Savall prix Nobel de la paix?


Le site de Jordi Savall et de l’ensemble Hespérion XXI



Sébastien Gauthier

 

 

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