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L’humour côtoie l’excellence Prades Prades et Codalet 08/08/2017 - 17 heures, Prades
«Concert surprise»
Johann Sebastian Bach : Sarabande et Bourrée [1]
Cesare Pugni : Trio pour flûte, clarinette et piano [2]
Pièce chinoise [3]
Peter Heidrich : Happy Birthday Variations [4]
Frédéric Chopin : Valse [5]
Pièces juives pour violoncelle et voix [6]
Improvisations klezmer [7] Patrick Gallois [1, 2] (flûte), Michel Lethiec [2] (clarinette), Yves Henry [2, 5] (piano), Emil Rovner [6] (violoncelle, voix), Clarinettistes du festival Pablo Casals [7], Quatuor de Shanghai [3, 4]: Weigang Li, Yi-Wen Jiang (violon), Honggang Li (alto), Nicholas Tzavaras (violoncelle)
21 heures, abbaye Saint-Michel de Cuxà
Johann Sebastian Bach : Le Clavier bien tempéré (Second Livre): Prélude et Fugue en fa dièse majeur, BWV 882 (arrangement Wolfgang Amadeus Mozart, K. 404a n° 3) [1]
Joseph Haydn : Quatuor à cordes n° 78 en si bémol majeur «Lever de soleil», opus 76 n° 4 [2]
Olivier Messiaen : Quatuor pour la fin du Temps [3]
Mihaela Martin [1, 3] (violon), Hartmut Rohde [1] (alto), Frans Helmerson [1, 3] (violoncelle), Michel Lethiec [3] (clarinette), Florian Uhlig [3] (piano), Quatuor Artis [2]: Peter Schuhmayer, Johannes Meissl (violon), Herbert Kefer (alto), Othmar Müller (violoncelle)
Rien ne saurait mieux résumer l’état d’esprit qui règne habituellement au festival Pablo Casals de Prades que le concert surprise organisé cette année en un de ces lieux insolites dont Michel Lethiec a le secret. Avec humour et fantaisie, le directeur artistique du festival et éminent clarinettiste n’a pas son pareil pour réunir autour de lui une pléiade de musiciens aussi talentueux que sympathiques, tous conviés à une heure de plaisanterie musicale avec le public. Rendez-vous est d’abord pris devant l’église Saint-Pierre de Prades avec une cinquantaine de curieux, avides de deviner où on va les conduire, avant qu’une brève pérégrination à travers les rues de la sous-préfecture des Pyrénées-Orientales ne les mène dans les jardins ombragés d’un hôtel jadis prestigieux. C’est là, nous apprend Michel Lethiec, que Pablo Casals se réunissait avec l’ensemble des organisateurs et bénévoles pour conduire aux destinées du festival de musique de chambre.
Aujourd’hui, le programme fait la part belle à de courtes pièces savoureuses et précédées d’anecdotes malicieuses, tel ce récit de Patrick Gallois affrontant le vent dantesque du Théâtre antique à Orange voilà quelques années. Michel Lethiec ne résiste pas à quelques blagues plus ou moins heureuses, avant de nous embarquer dans un improbable solo réalisé avec un tuyau d’évacuation des eaux de machine à laver! Performance hilarante qu’il réalisera quelques jours plus tard pendant les répétitions d’un concert, mettant à rude épreuve la patience de l’accordeur du piano, incapable de faire son travail dans ces conditions... Le concert surprise sait aussi retrouver son sérieux avec les raffinements chopiniens au piano, tandis que les variations sur le thème Happy birthday ravissent l’assistance. Mais c’est sans doute le final d’improvisations klezmer avec neuf clarinettistes qui impressionne le public par son ostinato hypnotique: pendant près de quinze minutes, les différents solistes se distinguent individuellement à tour de rôle, jusqu’à Michel Lethiec lui-même. Les habitués auront reconnu parmi eux son propre petit-fils, bien parti pour assurer la relève de son aîné.
Fallait-il ce moment de détente et de plaisir partagés pour affronter ce monument de la musique de chambre qu’est le Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen, donné en soirée à l’abbaye Saint-Michel de Cuxà? C’est la l’une des questions que l’on se pose à l’issue du concert où Michel Lethiec semble manifestement très ému, comme un hommage rendu en ce vingt-cinquième anniversaire de la disparition du compositeur. Avec ses trois comparses, il se joue aisément des passages tour à tour tourmentés et volontiers statiques, tandis que les trois solos parfaitement maîtrisés, d’une douleur intériorisée, rendent plus poignante encore cette œuvre majeure de Messiaen. Plus tôt dans la soirée, la mise en bouche assez brève dédiée au Prélude et Fugue n° 3 de Mozart d’après Jean-Sébastien Bach, avait permis de faire valoir une clarté sereine, avant que le Quatuor Artis ne nous régale de son sens de l’engagement et du caractère dans le magnifique Quatuor «Lever de soleil» de Haydn. Sans aucun vibrato, les quatre interprètes (récemment remarqués au disque dans un très beau programme) font valoir leurs attaques tranchantes et vives au service d’une lecture d’une grande lisibilité, toujours probe. A peine pourra-t-on leur reprocher une certaine raideur ici et là, mais ce n’est là qu’un détail à ce niveau interprétatif superlatif.
Florent Coudeyrat
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