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Promenade dans la musique russe London Royal Albert Hall 08/13/2017 - Chants orthodoxes: Ta tombe, ô Sauveur – Douce lumière
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 3, opus 30 – Symphonie n° 2, opus 27 Alexander Gavrylyuk (piano)
Latvijas Radio Koris, Sigvards Klava (direction), BBC Scottish Symphony Orchestra, Thomas Dausgaard (direction)
A. Gavrylyuk (© Mika Bovan)
Un promenade concert de la saison d’été de la BBC est toujours une expérience inoubliable, quels que soient son programme et sa qualité. Le concert n° 37 de la cuvée BBC Proms 2017 restera mémorable à ces deux titres.
Le vaste cirque ovale du Royal Albert Hall, d’une jauge d’environ 5 500 spectateurs, était aussi plein que Kensington Park qui lui fait face en ce beau dimanche après-midi d’août pour écouter un programme entièrement consacré à la musique de Rachmaninov. L’atmosphère populaire très singulière pourrait rebuter plus d’un puriste. L’acoustique est capricieuse. Le parterre de cet immense espace vide de sièges est occupé par plusieurs centaines spectateurs debout, courageux et plutôt immobiles et silencieux. Dans les étages jusqu’aux vertigineux promenoirs où le standing est aussi de règle, tout est possible. Les retardataires peuvent circuler dans les rangs, notre voisin qui alliait l’utile à l’agréable attendait consciencieusement les premiers mesures de chaque mouvement pour entamer un croustillant à la viande assez odorant. Mais la ferveur du public et les manifestations chaleureuses de contentement sont indescriptibles.
Le programme, magnifiquement composé de deux des œuvres les plus populaires du compositeur russe, était judicieusement complété par deux chants orthodoxes russes interprétés a capella par le Chœur de la Radio lettone qui devait donner Les Vêpres de Rachmaninov au concert du soir. Préambule poignant que d’entendre ces deux chants de la liturgie de Pâques et des vêpres par un chœur mixte exceptionnel traversant l’immensité de l’Albert Hall depuis galeries supérieures jusqu’aux espaces souterrains pour le premier et totalement invisible, embusqué dans deux loges, pour le second. Les œuvres orchestrales leur étaient enchaînées sans interruption, créant un effet saisissant.
Ce concert a été pour nous l’occasion de découvrir un superbe pianiste, l’Australien d’origine ukrainienne Alexander Gavrylyuk (né en 1984), dont on n’est pas près d’oublier la délicatesse de toucher avec laquelle il a entamé l’Allegro ma non troppo du Troisième Concerto, laissant le public suspendu à cette caresse de son fameux premier thème diatonique. La virtuosité sans effet, la réserve dans la puissance sonore réelle mais jamais forcée, l’intelligence des phrasés et la progression dramatique quasi théâtrale avec lesquelles Gavrylyuk a mené ce concerto réputé un des plus difficiles du répertoire forcent l’admiration et sont une leçon pour nombre de pianistes à esbroufe. Ce fin musicien a tiré de l’œuvre toute sa sève musicale laissant aux autres les étincelles. Cette bienheureuse douceur s’est prolongée quelques minutes avec l’envoûtante Vocalise dans la transcription de Zoltán Kocsis. Le concerto était assez platement accompagné par l’Orchestre symphonique écossais de la BBC malgré le soin extrême que prenait son chef permanent, le Danois Thomas Dausgaard, mais on sait que très souvent la partie concertante du programme est la moins bien répétée.
La Deuxième Symphonie montrait la formation à son meilleur avec un effectif de cuivres magnifique (les cors s’étant déjà distingués dans le concerto) mais – hélas! – probablement pas aussi bien que possible du fait de l’acoustique très moyenne du lieu. On entendait à peine bois et vents et les cordes sonnaient d’un seul bloc. Mais certainement en grande partie grâce à l’énergie que mettait Thomas Dausgaard à mobiliser ses effectifs, ce fut une très belle heure symphonique avec cependant la réserve que l’Adagio en ait été un peu trop précipité.
Olivier Brunel
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