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Entre subtilité et facilité Saint-Céré Théâtre de l’Usine 08/03/2017 - et 6, 9, 12* août (Saint-Céré), 1er décembre (Compiègne) 2017, 3 (Saint-Germain-en-Laye), 9 (Esch-sur-Alzette) février 2018 Gioachino Rossini : Il barbiere di Siviglia Guillaume François (Il Conte d’Almaviva), Leonardo Galeazzi (Don Bartolo), Eduarda Melo (Rosina), Gabriele Nani (Figaro), Federico Benetti (Don Basilio), Anne Derouard (Berta), Jean-Baptiste Mouret (Fiorello, Un ufficiale)
Chœur et Orchestre Opéra éclaté, Gaspard Brécourt (direction musicale)
Pierre Thirion-Vallet (mise en scène), Frank Aracil (décors), Véronique Henriot (costumes), Véronique Marsy (lumières)
L. Galeazzi, F. Benetti (© Ludovic Combe)
Pendant logique des nouvelles Noces de Figaro présentées par ailleurs, la reprise du Barbier de Séville créé en janvier 2016 à Clermont-Ferrand constitue la seconde affiche lyrique de la trente-septième édition du festival de Saint-Céré: une production colorée, pour ne pas dire kitsch, qui tire le melodramma buffo rossinien vers la farce, au risque que la facilité, sinon l’outrance, ne l’emportent sur la subtilité. Les décors de Frank Aracil situent sans ambiguïté l’action dans l’Espagne des années 1950, dans un magasin d’électroménager à l’enseigne Rosinex, rimant délibérément avec une marque française dont elle partage la graphie caractéristique: fers à repasser, machines à coudre et autres ustensiles garnissent les rayonnages tandis que le balcon de Rosine s’incarne dans un poste de télévision géant. Les costumes de Véronique Henriot sont à l’avenant – blouson d’aviateur du Comte, robe en vichy de Rosine (rose, forcément).
La mise en scène de Pierre Thirion-Vallet, directeur général et artistique du Centre lyrique Clermont-Auvergne (coproducteur du spectacle avec Opéra nomade), ne manque ni d’imagination ni de vie, en cohérence avec la frénésie caractéristique de la partition. Dans sa note d’intention, il estime que l’opéra «nous montre les ravages de la chair chez les hommes esclaves de leur désir improbable»: une telle conception peut tout à fait se défendre, mais on n’a pas l’impression qu’elle soit au centre de son travail, toujours ludique et animé, souvent drôle et percutant, parfois vain et irritant – comme dans le recours abusif au procédé consistant à faire jouer devant le rideau fermé (notamment la totalité du premier tableau du premier acte). La critique sociale paraît donc traitée à la légère voire reléguée au second plan – ce dont le chef-d’œuvre de Rossini peut au demeurant fort bien s’accommoder: dès l’annonce (factice) aux spectateurs, en français puis en espagnol, la cocasserie et la dérision s’imposent.
Bénéficiant d’une forte composante italienne, la distribution n’appelle que peu de réserves. La profondeur des graves, l’homogénéité de la tessiture, le débit impeccable dans les périlleux traits rapides mais aussi un véritable talent dramatique et un visage d’une grande expressivité font de Leonardo Galeazzi un Bartolo idéal. Eduarda Melo ne le cède qu’à peine en Rosine toute de verve et sûre d’une voix qui ne perd jamais ses qualités. Gabriele Nani est un jeune Figaro plein de prestance mais qui a cependant tendance à en faire des tonnes, y compris en chantant trop fort. Affecté de quelques inégalités dans le timbre, Guillaume François semble plus à l’aise dans les déguisements bouffes de soldat puis de maître de musique qu’en Comte proprement dit. Le Basile de Federico Benetti, un peu appliqué dans son Air de la calomnie, convainc au fil de la soirée et avec Anne Derouard, Berta n’est nullement un personnage secondaire.
Plus encore que d’habitude à Saint-Céré, l’orchestre, surélevé côté jardin, est réduit à sa plus simple expression: hautbois, basson et quintette à cordes (avec un clavier électronique pour le piano du continuo et la guitare requise par la cavatine et la canzone d’Almaviva au premier acte). La prestation instrumentale laisse parfois à désirer mais à la tête de cette petite armée qui peine à lutter lorsqu’elle est confrontée aux onze chanteurs réunis, Gaspard Brécourt insuffle l’élan indispensable et assure la délicate mise en place des ensembles.
Simon Corley
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