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La forge de Vulcain Oviedo Museo de Bellas Artes de Asturias 08/05/2017 - Charles Ives : The Unanswered Question (arrangement Martin Bresnick) (*)
David Lang : Cheating, Lying, Stealing
Soosan Lolavar : Girl
Benjamin Webster: Panelled
Fernando Buide del Real : Pasos
Martin Bresnick : My Twentieth Century The Norfolk New Music Workshop, Martin Bresnick (*), Julian Pellicano (direction)
(© Stéphane Guy)
Le patio du Musée des Beaux-Arts d’Oviedo parut plus inadapté que jamais lors du troisième concert de musique contemporaine organisé par Israel López Estelche et Alfonso Noriega. Si pour l’arrangement pour cinq instrumentistes (dont un jouant de l’accordéon et un autre manœuvrant le crin d’un archet sur le vibraphone) de la célèbre page de Charles Ives (1874-1954), The Unanswered Question, l’ensemble provenant de la Yale School of Music du Connecticut aux Etats-Unis, parut au bon format grâce à sa réduction, il n’en fut pas de même pour plusieurs des pièces suivantes.
Avec la pièce du compositeur minimaliste américain David Lang (né en 1957), Cheating, Lying, Stealing, très inspirée par Steve Reich et le jazz (à moins que ce ne fût par Alexandre Mossolov...), on se serait cru, au fond de ce maudit patio du musée, dans la forge de Vulcain. Trois percussionnistes, dont l’une frappant notamment la grosse caisse d’une batterie, une enclume et un gong, une clarinette basse, un piano et un violoncelle firent trembler les huit colonnes serrées du patio. Peu de variations, peu de changements de tempo animaient ces pages saturées, à la pulsation implacable, efficaces, pas très subtiles, mais qu’il aurait fallu entendre ailleurs nonobstant les moyens instrumentaux qui étaient convoqués en nombre réduit.
Girl (2017) de Soosan Lolavar (compositrice irano-britannique née en 1997 et présente dans la salle), pour piano, percussions, clarinette, violon, violoncelle et flûte était une courte pièce, marquée par le pincement par Lisa Moore des cordes du piano de façon à obtenir des sons proches du clavecin, un intéressant jeu cristallin entre le piano et le vibraphone, des motifs orientaux, sans doute iraniens, une intervention centrale du violoncelle (pas toujours précis) en hommage à la musique ancienne et sous-tendue finalement par une certaine harmonie dramatique.
Avec Panelled (2017) de Benjamin Webster (né en 1997), pour piano, clarinette basse et clarinette, percussions, violon, violoncelle et flûte, on revint quelque peu à l’esthétique de Steve Reich, pour se rapprocher de celle d’un Nico Muhly surtout compte tenu de son évolution récente, non exempte à vrai dire de facilités.
Pasos (2017), la pièce, plus paisible, de Fernando Buide del Real (né en 1980), un ancien du Conservatoire d’Oviedo et de l’Université de Yale, présent dans la salle, parut être la pièce la plus intéressante du concert, ne manquant pas de nuances et située quelque part entre Ives et Berio avec (à la flûte) comme un passage rappelant le Boléro de Ravel sur la fin.
Martin Bresnick (né en 1947), directeur artistique de l’ensemble américain et un des compositeurs post-minimalistes new-yorkais, commenta enfin la dernière œuvre du programme, la sienne, My Twentieth Century (2002), sur un texte de Tom Andrews relatant de petits malheurs (d’affreux vêtements) et de plus grands (la perte d’un frère). Il indiqua, en anglais (traduit par le co-organisateur de l’événement, Alfonso Noriega), espérer que le siècle à peine ouvert soit meilleur que le précédent et, musicalement, s’être inspiré d’Arnold Schönberg. A vrai dire, on eut du mal à saisir la filiation, le sprechgesang du maître viennois comme le dodécaphonisme étant assez lointains, et le propos parut quelque peu naïf, sans que la partition, d’un quart d’heure retienne particulièrement l’attention. Seule originalité: tous les interprètes quittèrent leur poste, non comme dans la Symphonie «Les Adieux» de Joseph Haydn pour ne plus revenir, mais pour lire au micro le poème, chacun leur tour après avoir laissé leur instrument et circulé sur un practice passablement bruyant.
Au terme de ce concert, d’une heure et quart sans pause, on ne pouvait que féliciter Israel López Estelche et Alfonso Noriega pour leur cycle, audacieux, inégal sans doute mais passionnant. La modestie du public de cette fin d’après-midi pluvieuse ne doit évidemment pas les décourager: il leur faut maintenant, impérativement, trouver un nouveau lieu pour s’exprimer et présenter d’autres aspects de la musique d’aujourd’hui. La salle de musique de chambre de l’Auditorio Principe Felipe, sous utilisée, serait à vrai dire idéale. Un plus grand soutien de la municipalité et de la région paraît indispensable car le mini-festival de musique contemporaine de cette année ne saurait rester sans lendemain.
Stéphane Guy
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