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Les (Académies musicales de) Saintes chéries

Saintes
Abbaye aux Dames
07/18/2001 -  puis 19, 20 et 22 juillet 2001


Direction artistique: Philippe Herreweghe

Pour leur trentième anniversaire, qui coïncide avec leur vingtième édition sous la direction musicale de Philippe Herreweghe, les Académies de Saintes sont demeurées fidèles à leur esprit, en offrant à la fois un programme copieux (vingt-cinq concerts du 13 au 22 juillet) et une large sélection d’époques (de la Renaissance au XXème siècle, en passant par le baroque et le romantisme) et de formations (depuis le récital jusqu’au Requiem de Fauré). Si cet esprit se maintient donc au fil du temps, c’est toujours dans la même atmosphère studieuse et décontractée, où la ville semble appartenir aux musiciens, qui cohabitent sans façons avec les mélomanes dans l’indispensable Bistrot des amis, tenu bénévolement par lesdits Amis du Festival.


Ce calme charentais ne comporte cependant aucun danger de monotonie, tant les programmes sont non seulement intelligemment composés, lorsqu’on les considère isolément, mais aussi soigneusement articulés entre eux, ce que permet une continuité de près de deux semaines. Malgré les incertitudes du climat et dans le cadre admirable, à la fois imposant et paisible, de l’Abbaye aux Dames, où se sont déroulés cette année l’essentiel des concerts, le public, tant par sa présence, souvent massive, que par l’accueil, généralement enthousiaste, qu’il a réservé aux artistes, semble approuver les orientations de ce festival.




Maturité des « baroqueux »
Mercredi 18 juillet 2001
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 5, opus 67, et 7, opus 92
Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)


Herreweghe et « son » Orchestre des Champs-Elysées démontrent, s’il en était besoin, que l’incursion, au-delà des périodes baroques et classiques, d’instruments d’époque et d’interprétations « historiquement informées », pour calquer un affreux anglicisme, dépasse sans peine le stade de l’expérimentation ou le plaisir de l’anecdote. En effet, non seulement la technique instrumentale n’appelle que des louanges, à la notable exception des cors, qui demeurent manifestement d’un maniement particulièrement délicat, mais les grandes orientations interprétatives ne sont pas aussi radicales qu’on l’entend ou qu’on veut bien le dire parfois.


Ainsi, dans chacune de ces deux symphonies, Herreweghe bouscule-t-il certaines des caractéristiques auxquelles ce type de formation nous a précédemment habitués dans ce répertoire: l’articulation se révèle d’une grande souplesse, notamment dans les mouvements « lents » (andante con moto de la Cinquième et même allegretto de la Septième); les tempi sont tout à fait comparables à ceux des interprétations « modernes », au point qu’il serait intéressant de vérifier si le chef, qui s’était astreint, dans son enregistrement de la Neuvième, à suivre les indications métronomiques données par Beethoven, l’a également fait dans cette Septième, composée immédiatement après la présentation de l’invention de Maelzel. Toujours est-il que si les musiciens offrent dans les mouvements finaux la clarté, la vivacité et le mordant que l’on connaît d’ordinaire aux « instruments anciens », c’est dans un tempo plus retenu que celui adopté par nombre d’autres chefs issus de différentes écoles.


Encore plus frappant: à aucun moment on n’est amené à se dire que le principe d’interprétation aurait été considéré comme une fin en soi, au détriment tant de l’intelligence que du plaisir. Autrement dit, s’il ne s’agit évidemment pas de souligner outre mesure le romantisme, il n’y a pas plus la tentation du « retour à », qui mettrait l’accent sur les ancêtres de cette musique, davantage que sur sa descendance. De telle sorte que la dimension révolutionnaire, pour l’époque, de ces deux symphonies ressort à peine plus que dans d’autres approches. Au fond, instruments anciens ou pas, Herreweghe rejoint ici un courant d’interprétation que l’on pourrait qualifier, en attendant de mieux, d’objectif, en ce qu’il s’intéresse à ce qui fait encore l’actualité de Beethoven.


Dès lors, la Cinquième est d’allure sobre et analytique, ménageant différentes atmosphères, depuis l’étrange grandeur résignée de l’allegro con brio initial jusqu’au panache et à l’engagement de l’allegro final. Souvent abrupte et appuyée plutôt que dramatique ou rebondissante, la Septième ne manque en tout cas pas d’intensité, voire de densité dans le fameux allegretto qui est repris en bis. Tout un symbole: en d’autres temps, n’aurait-on pas plus volontiers mis en valeur de la sorte le scherzo ou le finale?




Ars melancholiae
Mercredi 18 juillet 2001
Sylvius Leopold Weiss : Sonate en ré majeur - Chaconnes en sol mineur et en mi bémol majeur - Prélude en ut mineur - Fantaisie en ut mineur
Johann Sebastian Bach : Chaconne en ré mineur, BWV 1004

José Miguel Moreno, luth


Après les perspectives ouvertes par le concert Beethoven, changement de cap, qui n’en requiert pas moins la même concentration de l’interprète et du public.


L’interprète? José Miguel Moreno sait faire preuve d’une infinie délicatesse, de cette poésie un peu lasse, de cet art de l’évitement plus encore peut-être que de la mélancolie, qui font tout le prix de ces pièces de Weiss. Mais la virtuosité est également au rendez-vous, en particulier dans la transcription de la célèbre chaconne de la Deuxième partita pour violon de Bach.


Le public? Manifestement ravi, d’autant que le luthiste espagnol revient donner trois morceaux.




Rouleau compresseur batave (1)
Jeudi 19 juillet 2001
Claude Debussy : Nuages - Fêtes (extraits des Nocturnes; transcription Ravel
Olivier Messiaen : Visions de l’Amen

Ellen Corver et Sepp Grotenhuis, piano


Preuve, s’il en fallait, de l’ouverture tous azimuts des Académies, le piano y tient une place désormais aussi importante que le clavecin, que ce soit en solo, à quatre mains ou même, en l’espèce, à deux pianos.


Annonçant la première partie de l’ultime concert, consacrée aux Nocturnes de Debussy, la transcription par Ravel des deux premières pièces de ce triptyque est l’une des excellentes idées, parmi tant d’autres, de la programmation 2001. Le travail accompli par Ravel est certainement d’une exceptionnelle qualité, mais le duo néerlandais le restitue avec un remarquable souci des touchers et des couleurs.


Dans les Visions de l’Amen, l’engagement, l’intensité et la technique ne font jamais défaut, mais un supplément d’émotion ou de recueillement eût été bienvenu. Froideur des Steinways sous les voûtes de l’abbaye?




Rouleau compresseur batave (2)
Vendredi 20 juillet 2001
Johann Sebastian Bach : Préludes et fugues en fa dièse majeur, sol majeur, la bémol majeur, la mineur, si bémol majeur et si bémol mineur (extraits du livre I du Clavier bien tempéré)
Dimitri Chostakovitch : Préludes et fugues en fa dièse majeur, sol mineur, sol dièse mineur, la mineur et si bémol mineur

Ivo Janssen, piano


Parallèlement à l’intégrale du Premier livre du Clavier bien tempéré donnée en deux concerts par le claveciniste Pierre Hantaï, le pianiste Ivo Janssen proposait un rapprochement apparemment évident mais tellement peu pratiqué, aussi bien au concert qu’au disque, qu’il en devenait prometteur. De fait, ressemblances aussi bien qu’oppositions, tant d’esprit que de langage, se révèlent édifiantes et l’on ne s’étonne pas de voir cette démarche proposée par celui qui a enregistré le Ludus tonalis de Hindemith et a commencé de graver une intégrale Bach.


Toutefois, au-delà de l’astuce de programmation, il n’en fallait pas moins tenir la distance, sans entracte, en tissant six préludes et fugues de Bach avec cinq préludes et fugues de Chostakovitch, volontairement choisis dans des tonalités voisines. A ce jeu-là, Ivo Janssen n’est pas toujours convaincant: la technique, la puissance ne sont pas en cause, loin s’en faut, mais on peut regretter que l’éventail interprétatif paraisse aussi délibérément refermé. Dans Bach, ce dépouillement n’est pas nécessairement déplacé, d’autant que le piano ne cherche jamais à imiter le clavecin, sans verser pour autant dans un romantisme échevelé, seuls quelques préludes laissant la place à un peu de fantaisie; dans Chostakovitch, la décantation et le refus du spectaculaire sont sans doute plus surprenants, même si la véhémence parvient ici ou là à s’exprimer. Une option que l'on pourra tenir, selon les goûts, pour exigeante et ascétique, ou pour ennuyeuse et peu inspirée.




La cantate, avec ou sans Bach
Dimanche 22 juillet 2001
Sofia Goubaïdoulina : Jetzt immer Schnee
Johann Sebastian Bach : Cantate « Ich bin ein guter Hirt », BWV 85

Collegium vocale de Gand, Ensemble Prometheus, Daniel Reuss (direction) (Goubaïdoulina)
Johanette Zomer (soprano), Britta Schwarz (alto), Jan Kobow (ténor), Sebastian Noack (basse), Collegium vocale de Gand, Christophe Coin (direction) (Bach)


Depuis quelques années, les concerts de midi entretiennent de subtils dialogues entre la musique du XXème siècle et la musique baroque. Le dernier de la série était ainsi consacré à Goubaïdoulina et à Bach, rapprochement on ne peut plus naturel, tant la compositrice russe n’a jamais dissimulé l’influence de ce dernier sur son œuvre.


Au demeurant, Jetzt immer Schnee (Maintenant toujours les neiges) pourrait aisément être considérée comme une cantate, certainement plus sacrée que profane, tant les poèmes de Guennadi Agui sur lesquels elle se fonde, à l’unisson de la musique de Goubaïdoulina, véhiculent des considérations d’ordre métaphysique, pour le moins. Comme souvent chez Goubaïdoulina, la simplicité apparente des moyens employés est le gage de leur fulgurance: émiettement des voix (qui plus est spatialisées, le chœur n’étant entièrement rassemblé sur scène que pour la dernière partie), incantations, cataclysmes orchestraux (un petit ensemble de seize instrumentistes), vagues sonores, suspension des repères temporels traditionnels. Malgré de délicates exigences de mise en place, Daniel Reuss, le Collegium vocale et l’ensemble Prometheus restituent admirablement cette partition qui semble se déployer avec d’autant plus de force dans ce lieu de prière.


Conformément à la tradition, les concerts de midi demeurent le lieu privilégié de programmation des cantates de Bach: les trois choisies cette année exploraient la thématique du berger et de ses brebis, autrement dit Jésus et les fidèles. Dans la Cantate 85, c’est Christophe Coin qui, de façon vigoureuse et carrée, prend les commandes des effectifs vocaux et instrumentaux du Collegium vocale; le quatuor soliste est bon (alto, ténor), voire excellent (soprano, basse). Que demander de plus?





Simon Corley

 

 

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