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Don Giovanni théâtral et sensuel Aix-en-Provence Théâtre de l’Archevêché 07/06/2017 - et 8, 10, 13, 15*, 17, 19, 21 juillet 2017 Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527 Philippe Sly (Don Giovanni), Nahuel di Pierro (Leporello), Eleonora Buratto (Donna Anna), Pavol Breslik (Don Ottavio), Isabel Leonard (Donna Elvira), Julie Fuchs (Zerlina), Krzysztof Baczyk (Masetto), David Leigh (Il Commendatore)
English Voices, Tim Brown (préparation), Le Cercle de l'Harmonie, Jérémie Rhorer (direction musicale)
Jean-François Sivadier (mise en scène), Véronique Timsit (collaboratrice à la mise en scène), Rachid Zanouda (assistant à la mise en scène), Alexandre de Dardel (décors), Virginie Gervaise (csotumes), Morganne Legg (assistante aux costumes), Philippe Berthomé (lumières), Jean-Jacques Beaudouin (assistant aux lumières)
(© Pascal Victor)
C’est à un Don Giovanni très théâtral que le Festival d’Aix-en-Provence convie les spectateurs cette année. Rien d’étonnant quand on sait que le metteur en scène, Jean-François Sivadier, vient du théâtre. Comme pour sa Traviata aixoise de 2011, il a opté pour le procédé du théâtre dans le théâtre. La production est particulièrement décousue et touffue, et il serait vain d’y chercher un sens. Disposant d’une jolie brochette de jeunes chanteurs très bons acteurs aussi, Jean-François Sivadier a axé son travail sur la caractérisation des personnages, en mettant l’accent sur Don Giovanni et Leporello, et c’est à cette aune qu’il convient d’apprécier le spectacle, ponctué de très belles scènes. De ce point de vue, ce Don Giovanni 2017 est une réussite. On retiendra notamment la mort du Commandeur, moment émouvant pendant lequel Don Giovanni et le père de Donna Anna se font face en se touchant et en se caressant. La ressemblance physique entre les deux personnages jette un trouble supplémentaire. On mentionnera aussi le « Là ci darem la mano », pendant lequel Zerlina et Don Giovanni, placés l’un en face de l’autre, se rapprochent petit à petit. Sans oublier l’arrivée de Don Giovanni dans son palais, lorsque, au lieu de savourer le festin préparé par son cuisinier (« Ah che barbaro appetito »), il poursuit une nouvelle conquête. La scène finale est, elle aussi, admirable : derrière tous les autres personnages, Don Giovanni, entièrement nu ou presque, a les bras en croix, rappelant le Christ.
La distribution vocale, de belle tenue, est particulièrement homogène. A tout seigneur tout honneur, on retient d’abord le Don Giovanni sensuel et félin de Philippe Sly, au physique de rock star. Son Don Giovanni transpire la sensualité, pour ne pas dire la sexualité. La voix est énergique et douce à la fois, ce qui en fait un personnage ambivalent, à l’image de sa morphologie androgyne. La complicité qui le lie à son valet est évidente. Nahuel di Pierro incarne un Leporello espiègle et facétieux à souhait, déclenchant souvent les rires du public. L’air du catalogue est un régal, avec l’interprète qui s’avance sur le bord de la scène pour demander au public le nombre de conquêtes de son maître par pays. Pavol Breslik est un Ottavio sobre et discret, au timbre élégant. Commandeur plus jeune que d’ordinaire, David Leigh séduit par sa voix abyssale, très bien projetée. Krzysztof Baczyk prête sa voix à un Masetto jaloux et bougon.
Si les personnages féminins semblent moins bien caractérisés que les rôles masculins, leurs interprètes se hissent néanmoins, vocalement, au niveau de leurs collègues. Eleonora Buratto campe une Donna Anna austère et passionnée à la fois, avec une voix bien conduite sur toute la tessiture et des vocalises précises. Isabel Leonard est une Donna Elvira combative et émouvante, notamment dans le « Mi tradi », qu’elle chante couchée par terre, blottie contre Don Giovanni. Avec son timbre léger et lumineux, Julie Fuchs incarne une Zerlina espiègle et déterminée. La fosse procure une légère déception : à la tête du Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer offre certes une direction légère, fluide et naturelle, mais manquant un peu de panache. Le chœur des English Voices fournit, lui, une superbe prestation. A noter que ce Don Giovanni aixois fera les beaux soirs de Nancy et de Luxembourg cet automne.
Claudio Poloni
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