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Carmen en version de concert à Aix : le rêve Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence 07/04/2017 - et 6, 8, 10, 13*, 15, 17, 20 juillet 2017 Georges Bizet : Carmen Stéphanie d’Oustrac (Carmen), Michael Fabiano (Don José), Elsa Dreisig (Micaëla), Michael Todd Simpson (Escamillo), Gabrielle Philiponet (Frasquita), Virginie Verrez (Mercédès), Christian Helmer (Zuniga), Pierre Doyen (Moralès), Guillaume Andrieux (Le Dancaïre), Mathias Vidal (Le Remendado)
Chœur Aedes, Mathieu Romano (préparation), Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Samuel Coquard (préparation), Orchestre de Paris, Pablo Heras-Casado (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène, décors et costumes), Joël Lauwers (assistant à la mise en scène), Katia Mochenova (assistante aux décors), Elena Zaytseva (costumes), Elisabeth de Sauverzac (assistante aux costumes), Gleb Filshtinsky (lumières)
(© Patrick Berger)
La version concertante de Carmen présentée à Aix, production phare de l’édition 2017 du Festival, est un régal pour les oreilles. Elle vaut d’abord pour la superbe direction musicale de Pablo Heras-Casado. A la tête de l’Orchestre de Paris, le chef offre une lecture vibrante et percutante de la partition de Bizet, à l’image de l’Ouverture, attaquée au pas de charge. Une lecture certes musclée mais contrastée aussi, laissant entendre des nuances, des finesses et des détails insoupçonnés, un exploit pour une œuvre parmi les plus jouées de tout le répertoire lyrique. On mentionnera également la superbe prestation du Chœur Aedes, exemplaire de précision et de musicalité.
La distribution vocale est de haut vol. Elle est emmenée par Stéphanie d’Oustrac, Carmen élégante et raffinée, un brin réservée, émouvante et drôle à la fois, à la diction parfaite, au timbre sensuel et à la musicalité jamais prise en défaut, capable de belles nuances, notamment dans la Séguedille. La Micaëla d’Elsa Dreisig est à l’avenant, avec une voix claire, lumineuse et bien projetée, sans parler du personnage bien plus volontaire et combatif que d’ordinaire. Les protagonistes masculins suscitent, pour leur part, quelques réserves. Si le Don José de Michael Fabiano impressionne par son engagement, son ardeur et son tempérament débordant, on ne saurait passer sous silence son chant peu raffiné et sa tendance à forcer, notamment dans les passages aigus. L’Escamillo de Michael Todd Simpson a fière allure et son timbre est incisif, mais la voix est engorgée et le français quelque peu exotique. Les seconds rôles sont tous excellents.
En résumé, une très bonne version concertante de Carmen serait-on tenté de dire. Pas exactement, puisqu’il y a une mise en scène, et c’est bien là tout le problème. Dans un grand salon en marbre d’un immeuble des années 1980, un couple BCBG vient consulter un psychiatre car la relation bat de l’aile. Le médecin propose à monsieur de participer à un jeu de rôles basé sur l’intrigue de Carmen – il sera Don José –, une thérapie qui devrait lui permettre de sauver sa relation avec sa femme, qui va, elle aussi, entrer dans le jeu en Micaëla. Dans le programme de salle, le metteur en scène avoue qu’il n’a jamais cru une seule seconde à cette histoire de gitane fatale, qu’il juge totalement invraisemblable. C’est son droit, mais par honnêteté, il aurait dû s’abstenir ou jeter son dévolu sur un autre ouvrage. La malhonnêteté vient aussi de la direction du Festival, qui a proposé un titre à quelqu’un qui ne l’apprécie guère. C’est prendre les spectateurs en otage. Avec pour résultat, une production affligeante et ridicule. Pire, insignifiante. On se prend à rêver d’une version concertante et on ferme les yeux pour savourer pleinement la musique et le chant.
Claudio Poloni
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