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Thielemann le dévastateur Vienna Musikverein 06/09/2017 - et 10*, 11 juin 2017 Johannes Brahms: Akademische Festouvertüre, opus 80 – Symphonie n° 4, opus 98
Jörg Widmann: Flûte en suite Dieter Flury (flûte)
Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)
C. Thielemann (© Matthias Creutziger)
Ma dernière expérience avec Christian Thielemann en concert (il y a plus d’une dizaine d’années) m’avait laissé une impression scandaleuse tant le chef s’acharnait à déconstruire l’Orchestre philharmonique de Vienne, le forçant à suivre une direction certes engagée mais avant tout brusque et autoritaire. Le colosse allemand s’est depuis nettement assoupli: il reste bien cette impression occasionnelle de brutalité un peu gauche, prolongée jusque dans ses manières de saluer sur scène, s’avançant sur le podium avec l’amabilité d’un portier de discothèque, et effrayant les premiers rangs du public d’un sourire qui se veut radieux. On note néanmoins tout une direction beaucoup plus souple, discrète et attentive à ce que produit l’orchestre. L’Ouverture de Brahms bénéficie ainsi d’un son radiant et direct, créant une tension intéressante avec les timbres généralement plus aériens des Viennois. Les éléments disparates de la partition ne sont cependant pas véritablement fondus les uns aux autres, mais plutôt entrechoqués. Si l’on en savoure l’impact auditif, intellectuellement on peut rester un peu réservé.
Conformément aux habitudes d’entre-soi cultivées par les concerts d’abonnements, c’est un musicien de l’orchestre, le flûtiste Dieter Flury, qui assure la partie de soliste: la pièce du compositeur bavarois Jörg Widmann (né en 1973) revendique souvent une inspiration néoclassique respectant l’esprit originel des suites de danses et oppose la flûte solo à des groupes variés d’instruments (allant de trois flûtes d’orchestre, aux cordes puis aux cuivres – et se refermant finalement avec l’orchestre entier). Les musiciens viennois interprètent la partition avec légèreté et parfois humour: à en juger par son attitude, les yeux rivés sur la partition, Thielemann semble cependant nettement moins à son aise dans ce répertoire contemporain, assurant la mise en place avec un service minimum.
Une grande vague brahmsienne saisit les interprètes dès les premières notes de la Quatrième Symphonie, mais il faut attendre la réexposition pour tout à coup subir l’incandescence d’une aspiration qui ne nous lâchera plus. L’impatience un peu calculée du chef laisse désormais la place à un sentiment d’urgence complétée par des timbres intenses mais aérés: dans le deuxième mouvement, l’horizontalité impeccablement soyeuse des vents contraste avec la texture toujours changeante des pizzicati. Les pupitres chantent avec passion dans l’Allegro giocoso et le final, tel un raz-de-marée sonore, emporte tout dans un crescendo dévastateur. Le public ne s’y trompe pas et continue à rappeler le chef de longues minutes après que les musiciens ont quitté la scène.
Dimitri Finker
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