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Sous l’emprise des sortilèges électroniques de Julia Blondeau

Paris
Cité de la musique
06/09/2017 -  
Julia Blondeau : Namenlosen (création)
Claude Vivier : Trois Airs pour un opéra imaginaire
Philippe Schoeller : Hermès V (création)

Anna Palimina (soprano), Emmanuelle Ophèle (flûte), Philippe Grauvogel (hautbois), Clément Saunier (trompette), John Stulz (alto)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction), Julia Blondeau, Gilbert Nouno (réalisation informatique musicale)


A. Palimina (© Andreas Reichert)


Lors de la présentation du festival ManiFeste 2017 à la presse, Frank Madlener, directeur de l’Ircam, donna la parole à Julia Blondeau: volubile, la jeune (née en 1986) compositrice et musicologue évoquait en des termes parfois pointus mais animés d’une passion communicative son œuvre Namenlosen pour quatre solistes, ensemble et électronique, inspirée des travaux du philosophe et historien d’art Georges Didi-Huberman. Cette «mémoire des sans-noms» qu’il s’agit d’honorer, Julia Blondeau la transpose par le biais de quatre solistes disposés tout autour du public: «ils coexistent avec une partie électronique qui forme avec eux une force diagonale faite tour à tour de signaux, d’appels, de (lignes de) fuites, de poursuites et de soulèvements».


Quand d’autres s’y fourvoient, ou s’attèlent à la besogne pour des résultats parfois décevants, Julia Blondeau, on l’avait compris, parle l’informatique musicale comme une seconde langue. Il est amusant d’observer la manière dont la pièce évolue une fois passées les premières mesures assez démonstratives (une réminiscence de Répons?), où une même note, envoyée par la trompette, circule d’un instrument soliste à l’autre. Julia Blondeau est parvenue à créer un véritable «espace déployé», au sein duquel évolue une écriture polyphonique finement ouvragée qui ménage des plages contemplatives d’une grande beauté. Durant les passages ad libitum, le chef cesse de battre la mesure, se laissant lui-même surprendre par une poétique sonore sensuelle et parfaitement entendue. Est-ce à cause du renvoi à Didi-Huberman qu’il nous a semblé entendre à un moment comme des bruits de pas dans une salle de musée? A l’issue de l’exécution remarquable de l’Ensemble ontercontemporain, ce sont en tout cas des applaudissements nourris et pleinement mérités qui accueillent cette création.


Avec les Trois Airs pour un opéra imaginaire (1982) de Claude Vivier (1948-1983), place à un rituel qui semble venu du fond des âges, avec son homophonie, ses intervalles non tempérés, et ce rapport au temps qui doit beaucoup au tropisme du compositeur pour l’Asie. Mais la fin se fait plus véhémente, tandis que la soprano darde ses aigus au bord de l’évanouissement. Matthias Pintscher façonne des textures spectrales d’une grande force d’évocation. Bravo à la soprano Anna Palimina d’avoir remplacé au pied levé Nadja Michael.


Autre création très attendue et éponyme de la soirée: Hermès V pour grand ensemble. Par le truchement de cette (malicieuse) divinité grecque, Philippe Schoeller (né en 1957) exalte un nouveau lyrisme situé à la naissance du vocal: «il se déploie grâce à un chœur virtuel, aux voix des instrumentistes chantant bouche fermée...». Et le chef de s’équiper d’une baguette afin d’organiser ce «pur chaos organique» où l’on croit percevoir des réminiscences de Donatoni dans une séquence récurrente durant laquelle la musique semble faire du surplace. Mais, dans l’ensemble, celle-ci se dérobe au commentateur qui essaierait de la figer par des mots. S’en dégage un dramatisme sourd, fruit d’un artisanat d’une grande élégance. L’on sait gré à Matthias Pintscher d’embrasser la partition sans raideur et, qui sait, peut-être même avec un zest de rubato – c’est-à-dire dérober (du temps), en italien: rappelons qu’Hermès était certes le messager des dieux, mais aussi le guide des voleurs...


Le site de Julia Blondeau



Jérémie Bigorie

 

 

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