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Un pastiche créatif

Angers
Grand Théâtre
05/10/2017 -  et 2 (Besançon), 5 (Angers) décembre 2014, 14 (Wuhan), 26 (Beijing), 28 (Shanghai) avril, 2 mai (Hong Kong), 27 août (Sablé-sur-Sarthe), 6 (Saint-Quentin-en-Yvelines), 17, 18, 19 (Paris) novembre 2015, 28 (Metz), 29 (Compiègne) janvier, 20, 21 (Hannover), 28, 29, 31 mai, 1er (Charleston), 4, 5 (Montclair) juin 2016, 11 (Angers), 15, 16, 18, 19, 20 (Nantes) mai, 14 juin (Lille) 2017
Antoine Dauvergne/Gérard Pesson : La Double Coquette
Isabelle Poulenard (Florise), Maïlys de Villoutreys (Clarice), Robert Getchell (Damon)
Ensemble Amarillis, Héloïse Gaillard, Violaine Cochard (direction musicale)
Fanny de Chaillé (mise en scène), Annette Messager (costumes), Gilles Gentner (lumières)


Si les parentés entre les répertoires baroque et contemporain ont plus d’une fois été suggérées, entre autres par contraste avec les grandes machines symphoniques de l’ère romantique, mêler les deux tient d’une gageure tant l’équilibre entre pastiche et création semble une alchimie difficile, même si les recréations de lacunaires partitions anciennes avec la concours d’une plume d’aujourd’hui ne manquent pas. La travail de Gérard Pesson avec La Coquette trompée de Dauvergne, sous le titre renouvelé de La Double Coquette, se distingue par son inventive habileté à compléter le texte princeps, tout en le subvertissant délicatement, en particulier sous l’angle dramaturgique grâce à la variation proposée par Pierre Alfieri – il n’est d’ailleurs pas anodin de noter que la production a été soutenue par le Centre de musique baroque de Versailles, dans le cadre de la redécouverte de Dauvergne.


A partir du marivaudage initial de Favart, l’adaptation ici proposée – et que d’aucuns jugeront assaisonnée à la contemporanéité – prolonge le trouble du genre jusqu’à l’inversion des rapports amoureux. Le travestissement de Florise en Dariman pour reprendre son amant Damon qui la délaisse au profit de Clarice va être porté jusque dans ses ultimes conséquences: le désir feint de la femme jalouse pour sa rivale va finir par brouiller les frontières entre la simulation et le sentiment, sacrifiant du coup le retour à l’ordre de la conclusion primitive. Le travail de Gérard Pesson sur l’ouvrage musical du Siècle des Lumières participe d’un semblable investissement de la trame, sur le plan de la composition. Outre un Prologue entièrement de main moderne, les filages entre les numéros semblent jouer des récurrences harmoniques et rythmiques pour extraire les revers de l’écriture de Dauvergne et en tisser une sorte de canevas ludique, dans un interstice entre l’original et le pastiche, où originalité et musicologie se conjuguent, où passé et présent sécrètent d’insoupçonnables et amusantes affinités électives dans lesquelles aucun des deux ne se trouve aliéné par l’autre.


Cette alchimie n’échappe pas aux musiciens de l’Ensemble Amarillis, emmenés par Héloïse Gaillard et Violaine Cochard sur le plateau du Grand Théâtre d’Angers. Isabelle Poulenard se glisse avec gourmandise dans le déguisement de Florise, et se délecte des apparences d’androgynie, sans chercher à caricaturer la chaleur naturelle de son timbre pour des stéréotypes de sonorités pantalon. En Clarice, Maïlys de Villoutreys se révèle d’une légèreté piquante, sinon mutine, que l’on goûte en contraste du Damon de Robert Getchell, contraint à une robustesse peut-être au-delà des moyens et du style. Quant à l’économe travail scénographique de Fanny de Chaillé, rehaussé par les lumières de Gilles Gentner, il se situe au plus près de la plasticité d’une création qui réfute les machineries superfétatoires et se concentre sur les ressorts d’une versatilité avec laquelle s’amuse le vestiaire chamarré dessiné par Annette Messager. Spectacle aux dimensions itinérantes, La Double Coquette n’a pas son ingéniosité dans sa poche, à l’exemple de la saison angevine et nantaise qu’elle referme.



Gilles Charlassier

 

 

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