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Vite fait, bien fait

Nice
Opéra
05/10/2017 -  et 12, 14, 16 mai 2017
Giuseppe Verdi : Rigoletto
Jesús León (Le duc de Mantoue), Federico Longhi (Rigoletto), Mihaela Marcu (Gilda), Philippe Kahn (Sparafucile), Héloïse Mas (Maddalena), Karine Ohanyan (Giovanna),Thomas Dear (Monterone), Guy Bonfiglio (Marullo), Frédéric Diquero (Matteo Borsa), Le comte de Ceprano (Mickaël Guedj), Eva Fiechter (Un page), Sue-Jung Him (La comtesse de Ceprano)
Chœur de l'Opéra de Nice, Orchestre philharmonique de Nice, Roland Böer (direction musicale)
Ezio Toffolutti (mise en scène, décors, costumes et lumières)


(© Dominique Jaussein)


Distribuer un grand Verdi était devenu particulièrement difficile il y a dix ans, en raison notamment d’un déficit chronique en barytons. Aujourd'hui cette situation de disette s’est un peu améliorée mais reste épineuse, surtout quand les budgets ne sont pas extensibles. Tirant vraisemblablement avantage de la proximité de réseaux italiens, l’Opéra de Nice a pu réunir pour ce Rigoletto une équipe de chanteurs plutôt jeunes et en constante progression. Même si tout n’y est pas parfait, la soirée dispense beaucoup de plaisirs vocaux immédiats, en tout cas suffisamment pour calmer les bavardages d’un public plutôt dissipé (une proximité italienne, là encore ?).


Le ténor mexicain Jesús León dispose de bons atouts : un physique crédible de gamin boudeur et une voix bien projetée, pas trop handicapée par des résonances un peu nasales. De surcroît il sait "tenir la note" avec une certaine insistance, voire rajouter quelques suraigus pas franchement beaux mais manifestement appréciés. Attention cependant à un certain débraillé des intonations, qu’il faut absolument contenir, et aussi à ne pas oublier de rester en mesure. Mais en l’état, ce Duc de Mantoue reste une jolie trouvaille. De même, à quarante-trois ans, Federico Longhi a acquis suffisamment d’ampleur pour incarner un Rigoletto solide, dont le timbre sombre contraste curieusement avec un physique enveloppé voire débonnaire. Certaines phrases restent un peu courtes, et un certain manque d’énergie, quand il faut vraiment solliciter toute la colonne d’air, trahit encore un baryton Verdi en devenir plutôt que confirmé. Mais l’aspect plutôt "gentil" de ce Rigoletto, personnage que l’on peut quand même ressentir comme beaucoup plus ambivalent, a su séduire le public. La soprano roumaine Mihaela Marcu possède déjà des moyens relativement corsés mais reste touchante en pure jeune fille, dont les premiers émois sont justement ressentis. Dommage simplement que l’intonation ne soit pas plus juste parfois (dans ces conditions, l’absence prudente de suraigus interpolés est plutôt une marque de lucidité). Affiche très correctement complétée par l’inusable Philippe Kahn en Sparafucile et la Magdalena disciplinée d’Héloïse Mas, pas vulgaire du tout. Mais finalement ce qui cimente ce Rigoletto et le hausse musicalement à un niveau de représentation mémorable, c’est surtout le conséquent travail accompli par Roland Böer, chef de théâtre qui maîtrise parfaitement sa partition et sait imposer une lecture nuancée, à la tête d’un Orchestre philharmonique de Nice impeccable. Quelques embardées restent à déplorer, malgré de constants efforts (le quatuor du dernier acte a tendance à partir dans tous les sens) mais les chanteurs sont parfaitement guidés et soutenus.


Talentueux décorateur passé ensuite à la mise en scène, Ezio Toffolutti est resté à notre avis un bon scénographe davantage qu’un inventeur inspiré de postures d’acteurs. Ses personnages restent raides, face à la salle, volontiers assis pendant les duos, et certaines "idées" pour tenter de faire plus vivant sont franchement malvenues. Par exemple, de retour au palais à l’acte II, le Duc se met à l’aise pendant l’air « Parmi veder le lagrime ». Donc il déboutonne sa chemise, enlève une bottine, n’arrive pas à retirer l’autre, bataille discrètement pendant tout le chœur suivant avec le lacet rétif, puis finalement, de guerre lasse, rechausse son premier pied pour terminer sa cabalette « Possente amor mi chiama »... en robe de chambre et chaussures ! Pourrait-on dispenser les chanteurs de ce genre de contraintes matérielles, surtout quand elles risquent comme ici de ne pas fonctionner comme prévu ? Visuellement le décor est plus heureux, essentiellement en noir et blanc, inspiré de Piranèse, ou encore de fresques baroques vénitiennes. A l’exception du dispositif du dernier acte, sorte de quai portuaire en pente qui se veut sordide mais qui n’est que laid et surtout incommode. Costumes XIXe siècle pour l’essentiel, beaux mais peu caractéristiques (avec toutes ces redingotes, on se croirait souvent davantage dans La Traviata). Somme toute une ébauche intéressante, mais rarement un travail abouti.



Laurent Barthel

 

 

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