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Excellence et convivialité

Nancy
Hattonchâtel (Eglise)
09/25/2016 -  
Franz Schubert: Rondo brillant en si mineur, D. 895
Josef Suk : Quatre Pièces, opus 17
George Crumb : Four Pieces
Fritz Kreisler : La Gitane
Manuel de Falla : La Vida breve: «Danza espanola n° 1» – L’Amor brujo: «Pantomime» et «Danza ritual del fuego» (arrangements Kreisler)
Enrique Granados : 12 Danzas espanolas: 5. «Andaluza» (arrangement Kreisler)
Francis Poulenc : Sonate pour violon et piano
Wolfgang Amadeus Mozart : Il rè pastore, K. 208: «L’amero, saro constante»
Gabriel Fauré : Après un rêve, opus 7 n° 1

Julie Cherrier (soprano), Nicolas Dautricourt (violon), Dana Ciocarlie (piano)


L’excellence ne se confond pas à quelques affiches de grandes salles parisiennes, crème qui oublierait la richesse et la diversité de ce que l’on résume sous le vocable de «province», et le festival «Musique aux mirabelles», à Hattonchâtel aux confins de la Lorraine, en témoigne admirablement en ce dernier week-end de septembre. Native de ce coin de Meuse en marge des métropoles, Julie Cherrier y a imaginé l’an dernier un rendez-vous musical, qui, pour sa deuxième édition, confirme son alchimie entre exigence et convivialité, ce que ne démentira point le récital de clôture dimanche après-midi, où la soprano française est rejointe par Dana Ciocarlie et Nicolas Dautricourt dans un programme à l’éclectisme intelligent.


Le Rondo brillant en si mineur de Schubert qui l’ouvre révèle l’intelligente complicité entre les solistes, où l’archet déploie son lyrisme fluide et lumineux sur le canevas poétique du clavier. On retrouve le duo dans les Quatre Pièces de Suk. La maîtrise de l’écriture violonistique de celui qui fut un immense virtuose s’entend dès la «Ballade» augurale, teintée d’une délicate mélancolie, encadrant une intense section centrale. La facture rythmique de l’Appassionato ne verse jamais dans le démonstratif quand le troisième morceau, Un poco triste, contraste par son intériorité, sinon son intimisme, avec une ligne de chant qui se déploie sur un piano tout d’admirable retenue. Le finale, «Burlesque», referme l’ouvrage sur un tourbillon de notes qui ne trahit pas le sens du style.


Le répertoire contemporain ne doit pas intimider, et c’est avec une évidente sensibilité que Dana Ciocarlie introduit les Four Pieces de Crumb, compositeur américain qu’elle affectionne particulièrement et dont les Black Angels inspirés par les bombardements au Vietnam constituent l’une des pages majeures du quatuor à cordes des dernières décennies. Les quatre pièces pour touches noires et blanches ici proposées s’autorisent des incursions hors de la table harmonique consacrée, sans pour autant s’identifier à du piano préparé. L’exploration des sonorités, jusque dans la raréfaction de la matière ne cesse jamais d’investir l’expressivité, et c’est à un véritable voyage musical que nous invite la soliste, attachée à rendre l’exigence accessible à tous – elle a d’ailleurs animé des ateliers au début du week-end.


Les pages de Kreisler remettent en avant le violon de Nicolas Dautricourt, dans des adaptations à la technicité aussi volubile qu’irrésistible: La Gitane, et plus encore avec le corpus tiré de Falla, la «Danse espagnole» de La Vie brève, ainsi que la «Pantomime» et la «Danse rituelle du feu» extraites de L’Amour sorcier, irradient d’un hispanisme folklorique qui se préserve de tout stéréotype. La première partie du concert se referme sur l’air du Roi pasteur «L’amero, saro costante», que Julie Cherrier fait palpiter avec un instinct du texte auquel répond l’accompagnement concertant du violon et du piano.


Après une pause pour goûter la douceur des derniers rayons de l’arrière-saison, Andaluza de Granados s’offre en adaptation pour archet et clavier, due encore à l’incontournable Kreisler, et qui ne perd guère de ses couleurs originelles sous ce format. Le duo assume remarquablement la parfois difficultueuse Sonate de Poulenc, assez discrète dans les programmations: les heurts dramatiques de l’Allegro con fuoco initial cèdent à un Intermezzo habité, avant un Presto tragico sans emphase déplacée. La directrice artistique rejoint enfin le plateau pour une mélodie de Fauré, Après un rêve, d’une justesse de sentiment à la mesure d’un festival qui s’inscrit désormais dans le paysage musical, et participe avec une pertinence salutaire à l’aménagement du territoire culturel.



Gilles Charlassier

 

 

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