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Dialogues miraculeux Toulouse Halle aux Grains 06/14/2001 - 06/15/01 Francis Poulenc : Dialogues des Carmélites (version concert)
Jean-Philippe Courtis (Le Marquis de la Force), Anne-Sophie Schmidt (Blanche de la Force), William Burden (Le Chevalier de la Force), Felicity Palmer (Mme de Croissy), Françoise Pollet (Mme Lidoine), Nadine Denize (Mère Marie), Gaële le Roi (Sœur Constance), Christian Jean (l'aumônier), Marc Barrard (le Geôlier), Thomas Morris (Premier Commissaire), Jean-Marie Fremeau (Deuxième Commissaire, Thierry, M.Javelinot), Olivier Heyte (I'Officier), Sabine Garrone (Sœur Mathilde), Qiu Lin Zhang (Mère Jeanne).
Orchestre National du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (direction), Chœur de Chambre "Les Éléments" (JoëI Suhubiette).
L'apprentissage de la grâce, du courage et du dépassement de soi est particulièrement exigeant. Or, cet impératif d'exigence a dominé la très belle soirée de ce dernier concert de la saison. A tel point que l'on a facilement oublié l'absence de mise en scène du chef d'œuvre lyrique de Poulenc. Loin de constituer le principal écueil des versions concerts d'un opéra, des individualités isolées les unes des autres, se contentant de chanter leurs parties respectives, chacun des protagonistes a réussi l'exploit de vivre et de nous faire vivre son drame intérieur et ses conflits avec un monde vacillant, en pleine tourmente révolutionnaire. Le texte si lumineux, évangelistique, de Georges Bernanos est littéralement transfiguré par de merveilleux solistes “engagés”, investis de cette science du mot musical qui prend sa source dans le mysticisme sincère du compositeur.
Dans ces conditions, comment ne pas porter un regard laudateur sur l'ensemble de la distribution ?
Toutefois, une mention particulière doit être signalée à propos justement de l'engagement extraordinaire de Felicity Palmer, inoubliable dans la Première Prieure, hautaine, froide, d'une morgue aristocratique à glacer le sang lorsqu'elle explique au premier acte à Blanche les vicissitudes et les rigueurs de la vie monastique, qui n'est pas sans évoquer la Zia Principessa dans Suor Angelica de Puccini. Le timbre est agressif, l'émission percutante. Revirement total en revanche, lorsqu'elle affronte les affres de la mort, elle devient alors une pauvre femme ordinaire, effrayée, évoquant cette fois I'angoisse torturée de Clytemnestre ou celle de la vieille Comtesse de la Dame de Pique.
Anne-Sophie Schmidt incarne une Blanche de la Force en permanence terrifiée, se débattant dans la Nuit de Gethsemani, murée dans une peur omniprésente, pathologique, presque une transe névrotique. Pourtant elle accomplira toutefois son destin, en méritant enfin son nom, Blanche de la Force - lorsqu'elle entonne le Veni Creator final.
Nadine Denize (ex. Première Prieure il y a quelques années ici-même), témoigne de son solide métier. Quant au timbre maternel, velouté de Françoise Pollet, il sied à merveille à l'humilité bienveillante de Madame Lidoine. A noter le sombre contralto de la Chinoise Qiu Lin Zhang dans les trop brèves interventions de Mère Jeanne, la doyenne du Carmel -ainsi que l'incontestable noblesse de ton de l'éclectique Jean-Philippe Courtis.
Si l'orchestre a tendance à couvrir quelque peu les voix (acoustique du lieu ?) force est de reconnaître que Michel Plasson, ardent défenseur de musique française, fait ressortir les détails architecturaux de la partition (célesta, basson, violoncelle formant au premier acte des sonorités d'orgues inouïes). Immense professionnalisme du prestigieux Chœur de Chambre les EIéments.
D'ailleurs il serait judicieux de nous reproposer une version scénique de ces dialogues, avec la même distribution et (faisons un rêve), pourquoi pas le talentueux Robert Carsen - dont les relectures opératiques se révèlent souvent captivantes ! On attend et espère !
Etienne Müller
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