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Le sacre du Simon Boccanegra de Ludovic Tézier Monaco Auditorium Rainier III 03/05/2017 - et 8 (Monte-Carlo), 12 (Paris) mars 2017 Giuseppe Verdi : Simon Boccanegra Ludovic Tézier (Simon Boccanegra), Sondra Radvanovsky (Amelia Grimaldi), Vitalij Kowaljow (Jacobo Fiesco), Ramón Vargas (Gabriele Adorno), André Heijboer (Paolo Albiani)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Pinchas Steinberg (direction musicale)
L. Tézier (© Alain Hanel)
Il est venu, il a vu, il a vaincu: c’est ainsi qu’on pourrait résumer la magnifique prise de rôle de Ludovic Tézier qui, en une soirée, s’est affirmé comme le meilleur Simon Boccanegra de sa génération. Et pourtant, tout n’était pas gagné d’avance tant le baryton français est apparu mort de trac, les yeux rivés sur sa partition et plus à l’aise dans le mordant de la «scène du conseil» que dans les effusions lyriques de son duo avec Amelia. Mais fort heureusement, le chanteur, complètement libéré après l’entracte, a su «fendre l’armure» dans les deux derniers actes en multipliant les nuances en voix mixte tout en variant les couleurs à l’envi. Rien de monochrome dans cette interprétation insolente de santé vocale mais des diminuendi bouleversants et des pianissimi millimétrés en fin de phrase au service d’une noblesse de ton qui convenait idéalement au Doge de Gênes. Chapeau l’artiste!
Face à lui, Sondra Radvanovsky laissera un sentiment plus mitigé car son soprano spinto paraît surdimensionné pour le rôle. C’est dans Tosca, Norma ou l’Elisabeth de Roberto Devereux que cette voix très ample et dramatique s’épanouit le mieux et la passivité comme le format lyrique d’Amelia ne conviennent pas idéalement à cette «bête de scène». De plus, ce timbre assez mûr, aux aigus parfois un peu stridents et au vibrato trop large dans le haut du spectre suggère mal l’innocence et la candeur virginale de l’héroïne de Verdi. N’est pas Mirella Freni, Kiri Te Kanawa ou la jeune Katia Ricciarelli qui veut.
Guère de réserves à émettre, en revanche, sur les autres artistes, avec un Ramón Vargas, étonnant de longévité vocale tant les années semblent ne pas avoir de prise sur ce timbre ensoleillé, ou un André Heijboer, «crevant l’écran» comme personne dans un Paolo d’une implication et d’un mordant exceptionnels. C’est peut être cette noirceur qui manquera au Fiesco de Vitalij Kowaljow, un peu trop lisse pour suggérer le sadisme du personnage tout en donnant heureusement le meilleur de lui-même au dernier acte, quand la cruauté cédera la place au pardon.
Naturellement, il faut aussi saluer la précision absolue des chœurs de Stefano Visconti, notamment dans les staccati meurtriers de la «scène du Conseil», comme l’homogénéité des pupitres de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo galvanisé par la baguette nerveuse de Pinchas Steinberg.
Finalement, après bien des années de «vaches maigres», le chant verdien est en train de renaître de ses cendres. C’est ce que les formidables Aïda et Don Carlo de Pappano, parus en CD et DVD, avaient déjà confirmé. Nul doute que ces représentations monégasques enfonceront le clou et c’est tant mieux.
Eric Forveille
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