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Déception Paris Théâtre des Champs-Elysées 03/02/2017 - Igor Stravinsky : Chant funèbre, opus 5 (création française)
Franz Schubert : Symphonie n° 3 en ré majeur, D. 200
Gioacchino Rossini : Stabat Mater Patrizia Ciofi (soprano), Roxana Constantinescu (mezzo), Paolo Fanale (ténor), Nahuel Di Pierro (basse)
Chœur de Radio France, Jeremy Bines (chef de chœur), Orchestre national de France, James Gaffigan (direction)
J. Gaffigan (© Juan Carlos Villarroel/Challenge Classics)
La création française, après Saint-Pétersbourg le 2 décembre 2016 par Valery Gergiev, de ce Chant funèbre, opus de jeunesse de Stravinsky récemment retrouvé, était attendue. Datant de 1908 (Stravinsky a 26 ans) et dédiée à la mémoire de son maître Rimski-Korsakov, cette œuvre n’annonce que de très loin L’Oiseau de feu et ne laisse pas encore imaginer les fulgurances à venir de Pétrouchka ou du Sacre du printemps. Le tout début et la fin de l’œuvre, qui utilisent les contrebasses dans le grave de leur registre, sont les seuls moments un peu étonnants de cette musique qui sinon évoque Debussy et Scriabine plus que Rimski-Korsakov. Pour cette création française dans un lieu qui a aussi vu la naissance du Sacre le 29 mai 1913, l’Orchestre national de France, placé sous la direction du jeune chef américain James Gaffigan, est en place, mais sans toutefois pleinement convaincre.
Le constat est le même en écoutant la Troisième Symphonie de Schubert par laquelle se poursuivait ce programme un peu hétéroclite. Même si l’effectif était réduit (trois contrebasses) et la lecture vive et rapide, à aucun moment les interprètes ne parvenaient à rendre cette musique, composée par un homme de 18 ans, intéressante. De plus, l’Orchestre national sonnait ici un peu prosaïque, les bois sans vrai charme et les trompettes, ici à palettes, peu précises, voire parfois exagérément intrusives. La belle énergie voulue et diffusée par le chef tourne finalement un peu à vide, les voix secondaires des cordes disparaissent et la musique ne parvient pas à s’installer. Dommage!
En seconde partie, place à Rossini et à son Stabat Mater. Ici aussi l’interprétation de James Gaffigan est rapide et musclée, plus Verdi que Rossini, et déçoit. On y perçoit les mêmes limites que dans Schubert: les équilibres sont précaires, les cuivres sonnent lourd (notamment dans le numéro 3), voire parfois imprécis, et dans les tutti, le son est opaque, faisant perdre toute lisibilité à l’orchestration pourtant raffinée de Rossini. Le quatuor de solistes est quant à lui inégal: la soprano Patricia Ciofi n’a pas de médium, le ténor Paolo Fanale est lumineux mais couvert par l’orchestre (au moins depuis le premier balcon) et semble moins inspiré qu’avec Jesús Lopez Cobos en septembre 2015 alors que la basse Nahuel Di Pierro possède un magnifique timbre et que son chant est raffiné et précis. Quant à la mezzo Roxana Constantinescu, la voix est belle et homogène mais elle est plus à l’opéra, comme sa robe riche en paillettes le laissait craindre, qu’à l’église... Et quelle drôle d’idée de faire chanter le passage a cappella «Quando corpus», généralement dévolu au chœur, par le quatuor de solistes qui, après un début instable, parvient à se rétablir mais sans éviter de mettre à mal l’intonation à la toute fin. Le Chœur de Radio France, préparé par le futur chef de chœur du Deutsche Oper de Berlin, Jeremy Bines, est en place mais manque de nuances, parfois de texte (notamment dans le 1) et ne parvient pas à maintenir une polyphonie audible dans les forte.
Un concert au programme bizarre, à la réalisation décevante et même pas sauvé par la redécouverte d’une pièce longtemps perdue, mais somme toute mineure, de Stravinsky. Quelle déception!
Gilles Lesur
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