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Beethoven par Herreweghe Saintes Abbaye aux Dames 02/08/2017 - et 9 février 2017 (Poitiers) Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5 en mi bémol majeur, opus 73 «L’Empereur» – Symphonie n° 8 en fa majeur, opus 93 Eric Le Sage (pianoforte)
Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)
P. Herreweghe (© Michiel Hendryckx)
Un mois avant l’intégrale des Symphonies de Beethoven que Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs-Elysées présenteront avenue Montaigne pour célébrer les vingt-cinq ans d’une formation initiée conjointement par le chef flamand et Alain Durel, alors à la tête de l’institution parisienne, la phalange est invitée en l’abbaye aux Dames de Saintes, où elle fait depuis de nombreuses années les grandes heures du festival d’été – et pas seulement. Les liens resserrés qu’elle entretient avec la manifestation saintongeaise se lisent en particulier dans l’original programme de perfectionnement qu’elle a fondé dans la cité charentaise, le Jeune orchestre atlantique, le seul ensemble symphonique en Europe à permettre à des musiciens préprofessionnels d’aborder l’interprétation, sur instruments d’époque, d’un vaste répertoire allant du classicisme au romantisme tardif – et de se mêler à leurs aînés formateurs, entre autres pendant les soirées estivales.
Si la vérité historique n’échappe pas au clavier, le réalisme acoustique privilégie une authenticité efficace à une orthodoxie chronologique, confiant le Cinquième Concerto de Beethoven à Eric Le Sage sur un Blüthner fabriqué un demi-siècle après la création de L’Empereur, pour mieux faire ressortir les ressources de la partition. L’Allegro initial témoigne d’un équilibre complice entre le soliste et les tutti, et met en valeur une émulation sans cesse renouvelée entre les parties – plutôt qu’une anachronique rivalité concurrentielle qui entrerait en contradiction avec la pensée du compositeur allemand. L’Adagio, noté un poco mosso, exsude une intériorité poétique, caressant une délicatesse quasi intimiste où se ressource l’énergie d’un Rondo final dans lequel s’épanouissent les couleurs de l’orchestre. En bis, le pianiste français réserve, avec un extrait des Danses des compagnons de David, tout en sensibilité calibrée, un clin d’œil à l’année de «naissance» du Blüthner, 1856, qui est aussi celle de la disparition de Schumann.
Après l’entracte, la Huitième Symphonie contient ses accents humoristiques dans un sens évident de la construction. L’Allegro vivace e con brio le révèle sans délai, dans une dynamique qui ne néglige pas les rutilances, des cuivres comme des percussions, tout en évitant d’isoler artificiellement la verdeur de certains timbres. Bien aéré et juste de tempo, l’Allegro scherzando, au rythme pastichant ironiquement le métronome, donnera lieu à une amusante parodie en bis. Quant au finale (Allegro vivace), il achève de convaincre de la vitalité de la direction de Philippe Herreweghe, qui confirme que l’allégement de la pâte sonore ne sacrifie aucunement l’expressivité – bien au contraire.
Gilles Charlassier
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