About us / Contact

The Classical Music Network

München

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le Chevalier à la rose chez lui

München
Nationaltheater
02/05/2017 -  et 8, 11* février 2017
Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59
Anne Schwanewilms/Michaela Kaune/Anja Harteros* (Die Feldmarschallin), Günther Groissböck (Der Baron Ochs auf Lerchenau), Angela Brower (Octavian), Hanna-Elisabeth Müller/Golda Schultz* (Sophie), Heike Grötzinger (Annina), Ulrich Ress (Valzacchi), Peter Lobert (Ein Polizeikommissar), Andrej Dunaev (Ein Sänger), Christiane Kohl (Jungfer Marianne Leitmetzerin), Markus Eiche (Herr von Faninal), Matthew Grills (Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin), Kevin Conners (Der Haushofmeister bei Faninal), Christian Rieger (Ein Notar), Dean Power (Ein Wirt), Anna El-Khashem, Niamh O’Sullivan, Alyona Abramowa (Drei adelige Waise), Selene Zanetti (Eine Modistin), Joshua Owen Mills (Ein Tierhändler)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Sören Eckhoff (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Kirill Petrenko (direction musicale)
Otto Schenk (mise en scène), Jürgen Rose (décors et costumes)


G. Groissböck, A. Harteros


La production du Rosenkavalier d’Otto Schenk et Jürgen Rose est à l’affiche en continu au Staatsoper de Munich depuis rien moins que 1972. Au début du mandat de Nikolaus Bachler, l’actuel intendant, il avait été fortement question de la remplacer par une mise en scène plus moderne, et puis finalement ce projet avait été abandonné, à l’époque en raison de restrictions financières. Un renoncement dont on ne s’est guère plaint, tant ce travail-là reste exemplaire, en particulier grâce aux merveilleux décors et costumes de Jürgen Rose, univers rococo d’un goût parfait, jusqu’aux plus infimes détails. Les ors patinés et les tapisseries de la chambre à coucher de la Maréchale, le fastueux salon de Faninal, avec sa collection de porcelaines (directement inspiré des intérieurs du palais de Nymphenburg voisin), sont tellement inscrits maintenant dans les souvenirs du public munichois que plus personne, vraisemblablement, n’accepterait de s’en passer. Et plus encore après quelques années sans les revoir, l’évidence de ce maniement des couleurs et la pertinence de ces éclairages fascinent toujours autant. Le déshabillé rose corail de la Maréchale sur fond de mobilier à dominante vert et bronze, les multiples bleus différents chez Faninal qui dialoguent avec les jaunes légèrement moutardés des uniformes de la garde d’Octavian, conservant malgré leur âge un charme extraordinaire (et sans patine particulière, la production paraissant parfaitement bien entretenue).


De la mise en scène initiale d’Otto Schenk on pourrait croire à tort qu’il ne subsiste plus grand chose. En fait, et malgré les plusieurs générations d’interprètes différents qui ont pu s’y succéder, on est frappé au contraire par l’extrême fidélité de tous au projet initial, avec une multitude de détails qui restent aussi vifs qu’au premier jour. Un Rosenkavalier psychologiquement idéal, où chaque personnage existe dans toutes ses dimensions, et ce jusqu’au moindre petit rôle (pittoresque défilé de personnages à la Hogarth pendant la scène du lever de la Maréchale). Seul le troisième acte paraît un peu plus relâché, avec des mouvements d’ensemble devenus plus statiques, et dans un cadre d’auberge jusqu’au bout traditionnel. C’est là que certaines lectures modernes ont su ouvrir des champs plus poétiques (on pense aux magnifiques finals, sur des plateaux dégagés, des productions de Wernicke ou Kupfer, avec les personnages allant chacun vers des destins différents), mais ce n’est en rien une raison pour bouder cette production bientôt quinquagénaire, qui conserve une étonnante jeunesse.


Même vivacité en fosse, où Kirill Petrenko stimule en permanence un merveilleux orchestre. On ne soulignera jamais assez la splendeur de l’Orchestre d’Etat de Bavière dans Richard Strauss, tradition longuement préservée, et dont Petrenko n’a aucune difficulté à exalter les plus infimes subtilités. La richesse en nuances est prodigieuse, avec toujours des niveaux sonores soigneusement contrôlés, sans aucun clinquant. Ce qui n’empêche pas une totale sensation de liberté, des répliques instrumentales qui fusent comme au théâtre, et des valses où rien ne pèse. Depuis Carlos Kleiber, que l’on a eu la chance d’écouter diriger lui-même cette production naguère, on n’avait plus rien entendu d’aussi incroyablement et simplement beau dans le Rosenkavalier.


Somptueuse maison d’opéra aussi que le Nationaltheater de Munich, qui peut même s’offrir le luxe de traverser une épidémie de grippe sans que le niveau artistique d’une telle soirée en souffre. Hanna-Elisabeth Müller tombe subitement malade ? On trouve immédiatement dans la troupe la jeune et ravissante Golda Schultz pour la remplacer dans le rôle de Sophie : voix aérienne, aigus filés, tempérament vif sous des airs d’adorable petite porcelaine de Saxe. Physiquement et vocalement, on pense irrésistiblement à Kathleen Battle à ses débuts. Anne Schwanewilms, que l’on se réjouissait beaucoup d’entendre en Maréchale, n’arrive pas à se remettre de sa bronchite ? Qu’à cela ne tienne, puisque Nikolaus Bachler annonce son remplacement au pied levé par... Anja Harteros. Là, le public applaudit carrément! De toute façon la soprano allemande a déjà chanté dans cette production et elle y retrouve immédiatement ses repères, ce qui lui permet d’investir son personnage avec un aisance qui lui manquait encore un peu à Baden-Baden il y a deux ans. Une Maréchale d’une distinction folle, sobrement émouvante dans son monologue du I, et à laquelle ne manque par moments qu’un soupçon de grandeur impérieuse en plus pour se hisser au niveau des grandes titulaires de naguère. Seule rescapée du trio initialement programmé, Angela Brower est un Oktavian attachant, joliment assorti avec sa Sophie d’un soir, mais dont le timbre manque un peu de corps. Le Trio du III, presque improvisé vu les circonstances, se ressent de ce déficit en notes centrales, et aussi du léger manque d’ampleur des aigus de la Maréchale, mais c’est bien là le seul instant moins grisant de cette soirée d’exception.


N’oublions pas l’Ochs particulier de Günther Groissböck, jamais outré, même pas bedonnant physiquement, hobereau désargenté davantage cynique que banalement rustre. Et puis bien sûr toute cette galerie de petits personnages, seconds rôles pour lesquels Munich n’a qu’à puiser dans une troupe au potentiel très diversifié. Décidément, le Rosenkavalier est ici chez lui, et c’est ici qu’il faut continuer à lui rendre visite.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com