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Elektra à la hache

München
Nationaltheater
02/10/2017 -  et 13*, 17 février 2017
Richard Strauss : Elektra, opus 58
Nina Stemme (Elektra), Ricarda Merbeth (Chrysothemis), Doris Soffel (Klytämnestra), Ulrich Ress (Aegisth), Johan Reuter (Orest), Kristof Klorek (Der Pfleger des Orest), Helena Zubanovich (Die Aufseherin), Alyona Abramowa (Die Vertraute), Paula Iancic (Die Schleppträgerin), Matthew Grills (Ein junger Diener), Peter Lobert (Ein alter Diener), Okka von der Damerau (1. Magd), Rachael Wilson (2. Magd), Heike Grötzinger (3. Magd), Daniela Köhler (4. Magd), Golda Schultz (5. Magd)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Sören Eckhoff (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Simone Young (direction)
Herbert Wernicke (mise en scène, scénographie, costumes, lumières), Bettina Göschl (reprise de la mise en scène)


D. Soffel


Deux jours après Le Chevalier à la rose de Kirill Petrenko, c’est une autre grande pointure que l’on retrouve en fosse au Nationaltheater de Munich, dans Elektra : Simone Young, pour un résultat tout aussi convaincant. Un peu moins d’attention aux détails – en des circonstances différentes : on a vraiment peu répété cette soirée de répertoire et ce sont surtout les bons réflexes qui vont s’avérer décisifs – mais une gestique puissante, qui déclenche de grandes lames de fond avec une impressionnante sûreté. La plasticité de pâte d’un orchestre de rêve autorise d’incessants changements de climat, qui semblent découler tout naturellement des signaux de l’impérieuse silhouette aux bras d’acier qui a investi le pupitre. Simone Young semble ne faire qu’une bouchée de cette partition géante, et son tempérament de fonceuse nous vaut un finale dont l'intensité volcanique laisse le public abasourdi.


La production de Herbert Wernicke porte encore bien ses seize ans d’âge. Presque tout s'y passe à l’extérieur d’un palais dont on n’entrevoit qu’épisodiquement l’intérieur rougeoyant, par les interstices plus ou moins larges ménagés par une immense porte qui tourne à l’avant-scène sur un axe oblique, l’originalité majeure du dispositif restant de coincer les chanteurs juste au-dessus de l’orchestre, sur un espace de jeu étroit. Musicalement c’est commode, pour une meilleure projection des voix et une plus grande proximité face au chef, et psychologiquement c’est assez fort, par l’extrême dépouillement de ce décor qui laisse tout imaginer en ne représentant presque rien. Une sobriété que l’on retrouve dans la direction d’acteurs, attitudes longuement maintenues, comme s’il devenait impossible aux tourments et au trop-plein de haine des personnages de s’exprimer par des gestes. La scène de reconnaissance entre Elektra et Oreste n’échappe pas à cette rigidité, frère et sœur restant pétrifiés chacun de leur côté, obnubilés par leur désir de vengeance au point de ne même pas s’étreindre.


Au fil des reprises, cette production soigneusement conservée (ce qui n’est probablement pas facile, avec ce mur très large qu’il faut faire pivoter sans à-coups et dans de parfaites conditions de sécurité) doit aussi beaucoup à l’investissement de l’assistante Bettina Göschl, chargée de longue date d’entretenir la flamme des personnages. Avec la distribution de ce soir la tâche n’est pas des plus faciles, quand il faut insuffler par exemple un peu d’intensité au jeu de Ricarda Merbeth en Chrysothémis, solide gabarit wagnérien mais toujours un peu impavide émotionnellement (heureusement, la soprano allemande se réveille sur le tard et sa dernière scène a beaucoup d’impact). Même Nina Stemme paraît plus concentrée sur son chant que sur l’intensité de sa mimique, mais là il faut avouer que cette Elektra nuancée, au chant constamment élégant y compris dans ses accès de fureur, s’impose sans peine, même dépourvue du tempérament plus outré de certaines bêtes de scène qui l’ont précédée ici. Et ce toujours sur ce petit podium à droite, avec invariablement dans les bras une énorme hache, traitée comme un objet transitionnel un peu particulier...


Dans un rôle où il faut prioritairement exhiber de beaux restes, la Clytemnestre de Doris Soffel nous gratifie d’intéressants feulements de vieille routière. Cela dit sa projection est quand même un peu limitée maintenant, et ses rires sardoniques ne glacent pas le sang. De surcroît on persiste à penser que l’idée de Herbert Wernicke d’emballer le personnage dans un large pan de rideau rouge, copie conforme du rideau de scène du Nationaltheater, n’est pas très heureuse, la chanteuse paraissant constamment encombrée par cet énorme pan de tissu inerte qui lui tombe des épaules sans arrêt. En revanche, quand on retrouve Oreste à la fin, drapé dans le même rideau, figé dans une inquiétante posture de dictateur au bras droit levé, l’image reste saisissante. Avant cette prise de pouvoir aux résonances douteuses, Alfred Reuter chante son rôle avec un beau timbre sombre assez particulier, et autant d’implication que possible au vu de l’immobilité imposée par la mise en scène. Quant à l’inusable Ulrich Ress, omniprésent pilier de la troupe, il incarne un Egisthe sans défaut, mais sans non plus la déliquescence des vieilles carnes lyriques qui se sont fait longtemps une spécialité de cet emploi.



Laurent Barthel

 

 

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