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La marionnette et son fantôme

Bruxelles
Palais de la Monnaie, Tour & Taxis
01/31/2017 -  et 1er, 2, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 12*, 14 février 2017
Giacomo Puccini: Madama Butterfly
Alexia Voulgaridou/Amanda Echalaz* (Cio-Cio San), Ning Liang/Qiu Lin Zhang* (Suzuki), Marta Beretta (Kate Pinkerton), Marcelo Puente/Leonardo Caimi* (Pinkerton), Aris Argiris (Sharpless), Riccardo Botta (Goro), Aldo Heo (Il Principe Yamadori), Mikhail Kolelishvili (Lo zio Bonzo), Wiard Witholt (Il commisario, L’ufficiale), René Laryea (Yakuside)
Académie de chœur de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Roberto Rizzi Brignoli/Bassem Akiki* (direction)
Kirsten Dehlholm (mise en scène), Maja Ziska (décors), Henrik Vibskov (costumes), Jesper Kongshaug (lumières)


A. Echalaz (© Baus/La Monnaie)


Après les trois opéras de Rachmaninov en juin 2015, Kirsten Dehlholm revient à la Monnaie pour mettre en scène Madame Butterfly (1904). L’opéra de Puccini n’y avait plus été représenté depuis 1980, selon les archives, ce qui est à peine croyable. Malgré sa popularité, il s’agit donc d’un véritable événement, mais cette nouvelle production demeurera dans nos mémoires pour de mauvaises raisons.


La directrice d’Hotel Pro Forma, société de production danoise, exploite l’idée peu originale du dédoublement. L’audace consiste à utiliser une marionnette de bunraku pour représenter Cio-Cio San, pendant que sa doublure chante sans bouger devant de la scène, côté jardin dans la première partie, côté cour dans la seconde. En fait de doublure, il s’agit de Madame Butterfly très âgée et en kimono, mais le spectacle sème le trouble : sans lire au préalable le programme, les spectateurs peuvent imaginer que la geisha se souvient de son passé en revivant sa triste histoire. En réalité, pour Kirsten Dehlholm, c’est son fantôme, la toute fin ne laisse plus planer de doute à ce sujet ; ce parti pris risqué suppose bien évidemment que les fantômes vieillissent physiquement.


Ce procédé artificiel pose un véritable problème de crédibilité dramatique, l’attention se portant paradoxalement moins sur cette marionnette peu expressive que sur la chanteuse qui demeure forcément isolée des autres personnages. Cette discordance devient à la longue pénible. Comme elle se focalise sur cette idée maitresse, enrobée de décors et de costumes esthétiques, la metteuse en scène n’accorde pas à la psychologie des personnages toute son importance, la direction d’acteur se réduisant à une peau de chagrin. La lenteur des déplacements et le statisme des poses limitent fortement la portée émotionnelle du drame.


Quelques dimensions du livret paraissent, en outre, trop superficiellement traitées, en particulier la rupture de Cio-Cio San avec sa religion et son peuple, trop peu claire ici. Les personnages secondaires ne se détachent guère. Cette production néglige, par exemple, le potentiel de Goro, réduit le prince Yamadori et le Bonze à de simples prétextes pour montrer des costumes originaux et rend anecdotique la figure de Kate Pinkerton, médiocrement chantée, par ailleurs. Ne trouvant pas leur place dans ce concept, les choristes restent en coulisses et ne viennent même pas saluer. Kirsten Dehlholm décide de placer la pause tout de suite après «Un bel di vedremo» au milieu du deuxième acte, air repris partiellement au début de la seconde partie, mais ce n’est pas ce qui dérange le plus dans cette mise en scène qui vaut avant tout pour son aspect visuel.


Les chanteurs répondent aux attentes à des degrés divers. Amanda Echalaz, qui interprète le rôle-titre en alternance avec Alexia Voulgaridou, transmet rarement de l’émotion, malgré la sincérité de son engagement. Cette soprano au timbre avare de séduction dans le haut du registre et au phrasé peu velouté cultive une ligne de chant plutôt soignée, malgré des coutures apparentes. Ténor au timbre plaisant sur l’étendue de la tessiture, Leonardo Caimi chante Pinkerton avec suffisamment de style, mais la composition du personnage manque de relief.


La qualité de l’intonation d’Aris Argiris laisse parfois à désirer, surtout en première partie, mais le baryton livre une prestation finalement accomplie en Sharpless, rendu manchot dans cette production. Qiu Lin Zhang suscite constamment l’admiration en Suzuki, par l’adéquation du timbre, la tenue vocale et la finesse de la caractérisation. Bassem Akiki dirige un orchestre admirable de précision et de plénitude, mais le mérite revient surtout à Roberto Rizzi Brignoli : ayant assuré la plupart des représentations, l’excellent chef italien mesure, lui, l’enjeu du drame.


A chaque spectacle au Palais de la Monnaie son lot de désagréments : cette fois, en plus du bruit d’un avion qui prend tout son temps pour survoler le site, il a fallu supporter un signal sonore persistant pendant un bon moment durant la seconde partie. Le retour au théâtre constituera un soulagement.



Sébastien Foucart

 

 

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