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Un spectacle jubilatoire

Geneva
Opéra des Nations
01/25/2017 -  et 28, 30 janvier, 1er, 3, 5, 7* février 2017
Francesco Cavalli : Il Giasone
Valer Sabadus (Giasone), Kristina Hammarström (Medea), Kristina Mkhitaryan (Isifile, Sole), Willard White (Oreste, Giove), Günes Gürle (Besso), Raúl Giménez (Egeo), Alexander Milev (Ercole), Dominique Visse (Delfa, Eolo), Migran Agadzhanyan (Demo, Volano), Mariana Florès (Alinda), Mary Feminear (Amore), Seraina Perrenoud (Sole)
Cappella Mediterranea, Leonardo García Alarcón (direction musicale)
Serena Sinigaglia (mise en scène), Ezio Toffolutti (décors, costumes et lumières), Simon Trottet (lumières)


(© GTG/Magali Dougados)


Francesco Cavalli (1602-1676), qui fut l’élève de Monteverdi, semble retrouver les faveurs des scènes lyriques : après Eliogabalo à Paris en septembre de l’année dernière, c’est au tour d’Il Giasone d’avoir les honneurs de l’affiche, à Genève cette fois. Créé à Venise en 1646, l’ouvrage a été l’un des plus joués au XVIIe siècle, avant de tomber complètement dans l’oubli. Inspiré du mythe de Jason et de la quête de la Toison d’or, le livret raconte comment le héros essaie tant bien que mal de conserver les faveurs des deux reines qui le convoitent, Médée et Hypsipyle, avec en arrière-plan de nombreux rebondissements, les uns comiques ou érotiques, les autres teintés d’une grande émotion, à l’instar des superbes « lamenti » d’Hypsipyle, l’épouse délaissée. Comme à Paris, c’est Leonardo García Alarcón, considéré aujourd’hui comme le grand spécialiste de Cavalli, et sa Cappella Mediterranea qui étaient dans la fosse. Et comme à Paris, la partition a été largement remaniée par le chef. Leonardo García Alarcón, très attentif aux chanteurs, a exalté la finesse, la fraîcheur et la légèreté de l’ouvrage tout en privilégiant la dynamique et la souplesse des tempi et en ne ménageant aucun répit dans la continuité dramatique.


A la retenue et au raffinement de la lecture musicale est venue s’opposer, dans un contraste saisissant, la mise en scène déjantée et burlesque de Serena Sinigaglia, qui a choisi d’accentuer à outrance le caractère érotique de l’ouvrage, pour en faire un spectacle jubilatoire que le public a salué par une longue et bruyante ovation. Les trouvailles et les situations cocasses n’ont pas manqué, dans un joyeux mélange d’époques et de styles, des bourrelets de l’Amour joufflu (lumineuse Mary Feminear) aux vêtements très chics des années 1930 des servantes d’Hypsipyle, en passant par des GI’s lourdement armés emmenés par un Hercule jouant les Rambo ou encore les landaus contenant les deux paires de jumeaux que Jason a donnés aux deux reines rivales. La direction d’acteurs a été particulièrement soignée, avec une caractérisation fine de chaque personnage. Le meilleur exemple est le Jason incarné par Valer Sabadus : la stature frêle du contre-ténor ne le prédestinant pas à incarner un héros vaillant et musclé, la metteur en scène a habilement choisi d’en faire un éphèbe davantage intéressé par ses conquêtes amoureuses que par ses exploits guerriers.


Le plateau vocal s’est révélé de très haut niveau et parfaitement homogène. Dans le rôle-titre, Valer Sabadus a impressionné par son timbre moelleux et son style irréprochable, même si la voix a manqué de projection. En Hypsipyle éplorée, Kristina Mkhitaryan a démontré un timbre clair et lumineux, avec de superbes pianissimi éthérés. Le contraste n’aurait pu être plus frappant avec sa rivale, la Médée combative à la voix chaude et voluptueuse de Kristina Hammarström. Son mari délaissé, Egée, a été campé par un Raúl Giménez au phrasé délicat, quand bien même la voix a perdu de son mordant. On retiendra également la désopilante Delfa de Dominique Visse, servante lubrique et pleine de malice. On n’oubliera pas non plus l’Oreste à la noble prestance de Willard White, le Demo bossu et bègue incarné de façon inénarrable par Migran Agadzhanyan, l’énergique Alinda de Mariana Florès ni l’Hercule viril et sonore d’Alexander Milev. Une galerie de personnages hauts en couleur qui ont peuplé un spectacle enchanteur, qui restera dans les annales de l’Opéra des Nations.



Claudio Poloni

 

 

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