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Portrait de famille Metz Opéra-Théâtre 02/03/2017 - et 5, 7 février 2017 Jules Massenet: Werther Sébastien Guèze (Werther), Mireille Lebel (Charlotte), Alexandre Duhamel (Albert), Christian Tréguier (Le Bailli), Léonie Renaud (Sophie), Eric Mathurin (Schmidt), Julien Belle (Johann)
Chœur d’enfants spécialisé du Conservatoire à rayonnement régional de Metz Métropole, Annick Hoerner (chef de chœur), Orchestre national de Lorraine, David T. Heusel (direction)
Paul-Emile Fourny (mise en scène), Benoit Dugardyn (décors), Stella Maris Müller (costumes), Patrick Méeüs (lumières)
(© Arnaud Hussenot/Opéra-Théâtre de Metz Métropole)
Pour son Werther (1892) produit avec Massy et Reims, l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole regroupe une distribution francophone, mais la clarté de l’élocution fait souvent défaut. Attentif à l’évolution psychologique de son personnage, Sébastien Guèze exprime les souffrances et les tourments du poète avec un engagement sincère et sans trop de pathos. Si ce ténor à l’aigu facile et au phrasé travaillé répond dans une certaine mesure aux exigences du style, le changement de registre manque de finesse et l’émission de plénitude ; les consonnes baignent ainsi trop souvent dans le flou. Les sous-titres présentent plus d’utilité pour lui que pour Mireille Lebel, qui explore une tessiture étendue et riche dans le rôle de Charlotte. Si elle manifeste des poussées de fièvre straussiennes hors de propos en seconde partie, la mezzo-soprano canadienne livre une composition approfondie et assurée.
L’Albert d’Alexandre Duhamel déçoit : outillé pour ce rôle, ce baryton à la diction floue peine à conférer aux mots et à l’intonation toute leur importance, ce qui atténue l’autorité et la présence de l’époux de Charlotte. Voix légère et colorée, Léonie Renaud incarne avec assurance une Sophie ravissante, tandis que Christian Tréguier campe un Bailli idiomatique. Eric Mathurin et Julien Belle exploitent habilement la fibre comique du duo formé par Schmidt et Johann ; trop faible et peu caractérisée, leur performance vocale se positionne en retrait.
Soucieux de netteté et de mesure, David T. Heusel assure une direction probe et concentrée qui soutient les chanteurs et préserve leur l’intégrité en permanence. La sonorité de l’Orchestre national de Lorraine reste le plus souvent plaisante, malgré la sécheresse des cordes. Limpide et précise, l’exécution traduit la nature évocatrice et dramatique de la musique de Massenet.
Paul-Emile Fourny, le directeur artistique de la maison, évite de charger l’opéra d’intentions trop personnelles. D’une grande économie de moyens, sa mise en scène accentue l’isolement du poète, incapable d’affronter la réalité avec lucidité. La scénographie s’appuie sur un dispositif esthétique et dépouillé qui vaut surtout pour ses costumes et ses lumières. Dans une galerie, Werther admire avec obsession un tableau qui représente le foyer du Bailli. Ce dernier s’anime, Charlotte s’échappe du cadre, l’imagination se confond à la réalité, surtout lorsqu’Albert et des hommes en chapeau melon apparaissent en portant un parapluie, référence poétique à une toile de Magritte. Le spectacle aurait pu montrer plus clairement que les personnages n’existent que dans l’imagination du Werther, mais il s’agit d’un mince reproche, tant l’aspect nous séduit. A défaut de bouleverser, cette mise en scène vise juste : le point fort de ce spectacle intelligent et fidèle à ce chef-d’œuvre.
Sébastien Foucart
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