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Nantes entre poésie pour tous et coïncidences trumpeuses Nantes Théâtre Graslin 01/14/2017 - et 16, 17, 18, 19, 20*, 21 janvier (Nantes), 21, 22, 23, 24 mars (Angers) 2017 David Chaillou : Little Nemo (création) Chloé Briot (Nemo enfant), Richard Rittelmann (Nemo adulte, Flip), Hadhoum Tunc (La Princesse, La Fée Cristalette, Stella), Bertrand Bontoux (Le Roi Morphée, Lunatrix), Florian Cafiero (Le greffier, Docteur Pilule, Le chambellan), Cyril Rabbath (Le Môme Bonbon), Vincent Clavaguera-Pratx (Imp le sauvage), Sylvie Deguy, Mathilde Chaillou, Clément Chaillou, Pierre Himeur, Julien Rémy, Lou Wenzel, Olivier Balazuc (voix enregistrées)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Xavier Ribes (chef de chœur), Ars Nova ensemble instrumental, Philippe Nahon (direction musicale)
Olivier Balazuc (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors et costumes), Laurent Castaingt (lumière), Etienne Guiol (vidéo), Christophe Hauser (son), José Miguel Fernandez (informatique musicale)
(© Jef Rabillon/Angers Nantes Opéra)
La création lyrique pour jeune public souffre souvent d’un intérêt assez marginal, et son inscription à la programmation officielle des maisons reste encore trop rare. Angers Nantes Opéra en offre un brillant contre-exemple avec Little Nemo, commande passée à David Chaillou, sur un livret de Olivier Balazuc et Arnaud Delalande à partir de la bande dessinée Little Nemo in Slumberland signée par Windsor McCay au début du vingtième siècle.
Spéculateur new-yorkais avide, Nemo exproprie les locateurs désargentés pour raser des quartiers populaires et y édifier à la place un empire où tout n’est que tours, bureaux et boutiques de luxe achalandées – on ne peut qu’être frappé par les coïncidences avec un certain magnat à houppette blonde aux pratiques fort semblables qui vient d’être investi à la tête de la première puissance mondiale. Indifférent aux appels de sa mère mourante, l’homme pressé verra son destin basculer en retrouvant la maison de son enfance au milieu du quartier que les dollars vouaient à faire disparaître. Par l’entremise du Môme Bonbon, messager du Roi Morphée, il va rejoindre Sumberland, le monde des songes qu’il avait abandonné, et, au terme d’oniriques péripéties, se réveillera transformé, dans un rapport au monde qui ne sacrifiera plus l’imaginaire sur l’autel de l’insatiable profit.
Si le texte cède à quelques rimes faciles pour soutenir l’attention des spectateurs en herbe, l’argument dévoile des ressources poétiques dépassant la simplification condescendante et où chacun pourra se nourrir, quel que soit son âge – le off narratif ne contraint pas l’humour. Le spectacle conçu par Olivier Balazuc, avec la complicité de la scénographie colorée de Bruno de Lavénère, joue ainsi habilement des codes du conte et de clins d’œil multiples, de Batman aux Contes d’Hoffmann, appréciables par une large audience – on ne saurait que saluer le programme d’action culturelle élaboré en direction des scolaires, qui a impliqué plus de cent cinquante classes en Maine-et-Loire et Loire-Atlantique. Rehaussé par les lumières réglées par Laurent Castaingt, l’ensemble s’enrichit des vidéos d’Etienne Guiol.
Remarquablement défendue par Philippe Nahon et son ensemble Ars Nova, la partition de David Chaillou affirme un ingénieux et inventif éclectisme, explorant autant l’ivresse rythmique dans les mécanique des appétits boursicoteurs que le lyrisme diaphane des interventions de la princesse, incarnée avec une touchante fraîcheur par Hadhoum Tunc et que l’on retrouve en Stella, son double éveillé en voisine du héros, ainsi qu’en Fée Cristalette. Le Nemo enfant de Chloé Briot dévoile une innocence qui contraste avec l’arrogance de l’adulte rendue par Richard Rittelmann avec un à-propos qui sied parfaitement à l’avide Flip. Bertrand Bontoux affirme en Roi Morphée une bonhomie qui ne dépare pas en Lunatrix, tandis que Florian Cafiero, également Greffier et Docteur Pilule, réserve en Chambellan un réjouissant numéro que ne boudent point les culottes courtes. On mentionnera encore le Môme Bonbon confié à Cyril Rabbath, Vincent Clavaguera-Pratx en Imp le sauvage, sans oublier le chœur préparé par Xavier Ribes. En sus de la régie sonore dévolue à Christophe Hauser, l’informatique musicale paramétrée par José Miguel Fernandez participe de l’originalité de la création, tirant profit avec équilibre des potentialités du dispositif, sans chercher à prendre l’ascendant en guise de palliatif dont n’a nullement besoin l’ouvrage.
Gilles Charlassier
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