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Un décryptage musical signé Andris Nelsons

Paris
Théâtre des Champs-Élysées
01/28/2017 -  et 19 (London), 26 (Dortmund), 27 (Freiburg) janvier 2017
Anton Bruckner : Symphonie n° 5 en si bémol majeur
Philharmonia Orchestra, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Après une Quatrième Symphonie (certes dans sa version ultime de 1881) accueillie avec succès, Anton Bruckner (1824-1896) livre avec sa Cinquième (créée elle aussi avec enthousiasme en 1894) sa symphonie sans doute la plus complexe et la plus difficile d’accès. Chef-d’œuvre du contrepoint, elle impressionne par ses dimensions et plus encore par l’agencement interne de ses deuxième et quatrième mouvements où, surtout pour ce dernier, il n’est pas évident de déceler les grandes lignes tant les idées qui y fourmillent semblent parfois s’entrechoquer au point de donner l’impression d’un immense désordre. C’est peut-être cette renommée qui a valu au Théâtre des Champs-Elysées de n’être pas très rempli en ce samedi soir (second balcon quasi vide, de nombreuses places libres au premier balcon) pour accueillir l’Orchestre Philharmonia donner cette symphonie sous la direction d’Andris Nelsons.


Certes, le Philharmonia d’aujourd’hui n’a plus la réputation du Philharmonia des années 1950 lorsque, dirigé par Furtwängler, Karajan, Klemperer et quelques autres, il était alors un des meilleurs orchestres du monde. Pour autant, celui-ci impressionne d’emblée grâce tout d’abord à des cordes d’une cohésion et d’une plénitude incroyables. Dès les pizzicati de l’introduction du premier mouvement (Adagio. Allegro moderato), tout Bruckner est là: des fondations puissantes, une introduction grandiose, une solennité inexorable que rien ne semble pouvoir arrêter. Rapidement relayés par des cuivres somptueux (quoique parfois un peu secs, mais l’acoustique du théâtre est connue...), les violoncelles enchaînent avec le principal thème de la symphonie dans une fluidité et des couleurs surnaturelles. Nelsons, dirigeant en veillant à toujours faire entendre les contrechants (parfois même un peu au détriment des thèmes principaux), conduit l’ensemble avec une détermination et une cohérence qui donnent néanmoins au mouvement son évidente unité. On rend ensuite les armes devant l’Adagio: sehr langsam, qui fut le sommet de ce concert même si l’on a connu version encore plus émouvante, notamment sous la baguette de Claudio Abbado, la faute notamment à un hautbois assez banal. Les frémissements des cordes, l’obsessionnel roulement de timbales (saluons à cette occasion l’excellent timbalier Antoine Siguré!), la pulsation là encore hiératique (les basses!) et des sonorités qui faisaient plus que jamais référence aux flèches des cathédrales sonores que Bruckner savait si bien construire: quel résultat néanmoins! Le troisième mouvement, un Scherzo comme souvent, fut un tout petit peu décevant puisqu’on aurait aimé l’avoir un peu plus rapide, et surtout un peu plus violent même si Andris Nelsons a par ailleurs parfaitement su rendre la légèreté toute folklorique du Trio central, avant la reprise du Scherzo par l’ensemble de l’orchestre. Mais c’est sans doute dans le dernier mouvement que toute la science du chef letton a pu s’affirmer; car, n’hésitons pas à le dire, ce Finale: Adagio. Allegro moderato connaît quelques longueurs et la presque demi-heure de musique qu’il représente constitue un entrelacs d’idées dont la cohérence nécessite une attention des plus vives. Or, sous la baguette de Nelsons, tout cela retrouve son unité. Une fois les thèmes initiaux des premier et deuxième mouvements rappelés, entrecoupés par les appels de la clarinette et un premier choral de cors, la longue fugue peut s’épanouir pleinement, le thème passant aux mains de chaque pupitre de cuivres avant de connaître de multiples développements dont l’aboutissement (un des plus somptueux choraux jamais composés par Bruckner) fut des plus impressionnants. Nelsons n’a pas besoin de trop en faire, l’orchestre le suivant au doigt et à l’œil dans ses différentes circonvolutions, faisant passer avec une aisance déconcertante le public des passages bucoliques aux tutti de cuivres les plus violents et les plus déchirants: du grand art!


Comme le rapporte Paul-Gilbert Langevin (Bruckner, L’Age d’homme, page 279), lorsque Karajan a dirigé la Septième de Bruckner en ce même théâtre en février 1961, Marcel Schneider en rendait compte en écrivant notamment: «Il faut un chef de génie et un orchestre de première qualité pour la rendre tolérable à Paris»: nul doute que ce pari-là fut amplement réussi ce soir par le Philharmonia et Andris Nelsons, qui s’affirme chaque jour un peu plus comme un chef d’exception.


Le site d’Andris Nelsons
Le site de l’Orchestre Philharmonia



Sébastien Gauthier

 

 

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