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Aventures Strasbourg Palais de la Musique et des Congrès 01/26/2017 - et 27 janvier 2017 Felix Mendelssohn : Ouverture «Les Hébrides» («La Grotte de Fingal»), opus 26
Pēteris Vasks : Concerto pour alto
Johannes Brahms : Symphonie n° 3, opus 90 Maxim Rysanov (alto)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Eivind Aadland (direction)
M. Rysanov
L’entrée en scène de Vassily Sinaisky pose problème. Ou alors c’est qu’on va tellement souvent au concert que l’on finit par mélanger l’identité des chefs russes (parfois un peu interchangeable, il est vrai). Enfin quand même, manifestement, ce n’est pas lui : plus svelte, plus jeune... Quand la baguette s’abaisse et que devraient résonner en fanfare les premiers accords de l’Ouverture Ruy Blas de Mendelssohn, les musiciens attaquent... La Grotte de Fingal, le mystère s’épaissit. Se serait-t-on trompé de soirée ?
Apparemment non, puisque le programme remis à l’entrée, annonce bien ce pour quoi on s’est déplacé... Bon, à défaut de comprendre on écoute avec plaisir cette ouverture impromptu, fort bien jouée (beau quatuor, décidément les cordes sont en forme actuellement à Strasbourg, en revanche quand les cuivres rentrent en scène, ça se gâte terriblement). Ce n’est que lors du changement de plateau que l’on découvre, sur une petite feuille volante pliée en deux, coincée entre deux pages de la brochure que l’on tient en main, la biographie d’Eivind Aadland, chef norvégien accouru à la rescousse pour remplacer Vassily Sinaisky, souffrant, remplacement à programme inchangé, à l’exception de l’ouverture. Dont acte. Mais il y a quand même là un vrai problème d’intendance, puisqu’une simple annonce publique en début de concert aurait suffi pour éviter ce genre de quiproquo.
Le compositeur Pēteris Vasks, en résidence à Strasbourg cette année, s’est déplacé en personne pour assister à la création française de son Concerto pour alto, commande conjointe de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, de la BBC Radio et du Vale of Glamorgan Festival (la création mondiale a eu lieu à Cardiff en mai 2016, également avec Maxim Rysanov en soliste). Un concerto assez « développé », sur environ trente minutes, en quatre parties relativement distinctes avec plusieurs cadences du soliste interpolées et un accompagnement dévolu aux cordes seules. Belle exposition, dans ce langage dépouillé commun à toutes les œuvres de Vasks dernière manière, et que les cordes strasbourgeoises nourrissent de sonorités prometteuses. Superbe timbre du soliste aussi, avec une belle égalité d’archet. On attend donc une œuvre consistante pour finalement se retrouver, faute d’une écriture qui essaie véritablement de s’affirmer, perdu dans un joli labyrinthe de verdure comme on en trouve parfois dans les jardins à la française. Est-on déjà passé là ? Oui ? Non ? Essayons de tourner à gauche, ou peut-être à droite... Va-t-on arriver au milieu ? Non, toujours pas. Revenons sur nos pas, essayons autre chose. Pourtant, décidément, on est sûr qu’on est déjà passé là au moins trois fois... Après vingt minutes : c’est bien joli tout ça mais où se trouve l’issue ? Après trente minutes, encore une multitude de méandres, trois petits derniers virages, un dernier bel accord (que c’est beau, un accord parfait joliment soutenu aux cordes, n’est-ce-pas !) et ouf, on a enfin trouvé la sortie !
Accueil chaleureux du public pour le compositeur, souriant et affable, qui a assisté à toute l’exécution en restant d’une remarquable impassibilité. En bis, le Bach de Maxim Rysanov (la Sarabande de la Deuxième Suite pour violoncelle seul, adaptée pour alto), fait un bien fou : une musique qui a, en toute simplicité, le courage d’assumer son dépouillement au lieu de tourner sans fin autour du pot. Décidément, cette résidence de Pēteris Vasks paraît bien frustrante, essentiellement du fait d’un choix d’œuvres fort peu représentatives des vraies qualités de leur auteur.
Les Symphonies de Brahms ont toujours été périlleuses à Strasbourg, l’identité sonore de l’orchestre ne le prédisposant pas vraiment à ce répertoire. Pourtant cette fois, les progrès réalisés au cours de ces dernières saisons permettent une exécution intéressante de la Troisième Symphonie. Eivind Aadland a quelques idées de mise en place assez classiques mais efficaces et l’ensemble se déroule sans accident majeur, avec même quelques très beaux passages. Reste simplement que quand on programme une œuvre aussi difficile, il faudrait veiller à réunir pour l’occasion les éléments de l’orchestre les plus attractifs, alors qu’ici beaucoup des meilleurs titulaires manquent à l’appel. Sébastien Koebel, toujours miraculeux à la clarinette, et Rafael Angster au basson, voire Kévin Cleary au cor solo, sont bien les seuls à défendre de vraies couleurs brahmsiennes, le reste se perdant entre le pâteux, le prudent voire le criard (on décerne un prix citron aux trompettes). A l’opéra, on parlerait tout simplement d’erreurs de casting, ou plus banalement, comme on dit en Allemagne, d’un soir de « zweite Garnitur ».
Laurent Barthel
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