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Légende loufoque Nancy Opéra 12/27/2016 - et 29, 30 décembre 2016, 1er, 3 janvier 2017 Jacques Offenbach: Geneviève de Brabant Sandrine Buendia (Geneviève), Rémy Mathieu (Drogan), Clémence Tilquin (Brigitte), Diana Higbee (Isoline), Eric Huchet (Sifroy), Boris Grappe (Charles Martel), Raphaël Brémard (Vanderprout le bourgmestre), Virgile Frannais (Narcisse), Jean-Marc Bihour (Golo), François Piolino (Pitou), Philippe Ermelier (Grabuge), Marie Remaizeilles*/Ulysse Timoteo (Arthur), Inna Jeskova (Mimi), Julie Stancer (Juju), Valérie Barbier (Marie-Anémone), Joanna Hinde (Jojo), Lucy Stevens (Lulu), Barbara Wysokinska (Coco), Jue Zhang (Lili)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Claude Schnitzler (direction musicale)
Carlos Wagner (mise en scène), Rifail Ajdarpasic (décors), Christophe Ouvrard (costumes), Fabrice Kebour (lumières)
(© Opéra national de Lorraine)
Rien de tel qu’un Offenbach pour terminer l’année. L’Opéra national de Lorraine monte la rare Geneviève de Brabant (1859), en coproduction avec Montpellier, où le spectacle a été créé en mars dernier. Pour cet opéra bouffe, il existe trois versions : sur base de l’édition critique de Jean-Christophe Keck, gage de qualité, la deuxième de 1867 a été retenue, à laquelle viennent s’ajouter des emprunts à la première. L’écoute révèle un ouvrage en trois actes et d’un peu moins de deux heures, dans l’ensemble plutôt plaisant. Le compositeur y laisse de savoureuses pages, comme le couplet improbable de la poule ou l’air amusant de Sifroy qui chante les vertus d’un bon thé après avoir dégusté le pâté aphrodisiaque de Drogan.
Carlos Wagner remet les dialogues au goût du jour, démarche justifiable, et même nécessaire, pour leur accorder du sens aujourd’hui, mais il s’abstient de caricaturer la société actuelle de manière trop décapante. Il se moque toutefois gentiment des habitants de ce lotissement pimpant, aux maisons coquettes, aux jardins entretenus et aux haies taillées – beaux décors de Rifail Ajdarpasic, superbement éclairés par Fabrice Kebour. La transposition de cette légende médiévale, rendue déjà loufoque par les librettistes, fonctionne assez bien, les gags demeurant ni trop triviaux, ni trop vulgaires. Ceux qui prétendent déjà connaître Geneviève de Brabant s’offusqueront peut-être des détournements de sens opérés par le metteur en scène. Ce dernier assure toutefois un semblant de cohérence et développe des idées amusantes, comme le nain de jardin surgissant d’une poubelle en guise d’ermite ou la livraison, sur un chariot à roulettes, d’une statue de Charles Martel, dont Sifroy reconnaît l’écriture sur une lettre que lui brandit Golo. Plus décalé qu’irrévérencieux, ce spectacle à l’humour parfois gras témoigne du potentiel théâtral de cet opéra qui mérite bien des égards.
Différente pour l’essentiel de celle réunie à Montpellier, la distribution ne comporte aucune voix d’exception, ce qui importe peu de toute façon pour un ouvrage de ce calibre, dans lequel le collectif et le dynamisme priment. Les chanteurs concilient virtuosité vocale et crédibilité théâtrale avec aisance et enthousiasme; vertu cardinale, ici, tous soignent la prononciation. Erich Huchet excelle en Sifroy, le mari impuissant de Geneviève, épouse sexy mais délaissée, à laquelle une Sandrine Buendia confère du caractère. Surgissant des airs, l’Isoline de Diana Higbee ressemble à ces personnages de science-fiction dotés de superpouvoirs. La soprano se démarque par rapport à la Brigitte bien caractérisée de Clémence Tilquin, qui, pour sa défense, a moins à accomplir.
François Piolino et Philippe Ermelier campent en Pitou et Grabuge un savoureux couple de gendarmes en culottes courtes qui rappelle Laurel et Hardy, le second étant affublé d’un accent belge caricatural. Retenons aussi le Drogan bien de sa personne de Rémy Mathieu, le Narcisse benêt et naïf dans sa tenue de scout de Virgile Frannais, le bourgmestre Vanderprout fort précieux de Raphaël Brémard et l’Arthur aux cris stridents de Marie Remaizeilles, l’enfant loué par Isoline qui le sous-loue à Geneviève. Faisant son apparition dans le feuillage d’un arbre, le Golo malveillant de Jean-Marc Bihour se signale par son excellent jeu scénique, le rôle étant dévolu à un comédien. Sous la direction de Claude Schnitzler, l’orchestre délivre une prestation vive et nette, plus prosaïque que subtile, cependant assez légère et festive. S’il accompagne efficacement les chanteurs, il ne constitue pas tout à fait ici un personnage à part entière.
Sébastien Foucart
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