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La musique ibérique et sud-américaine dans les ors de Versailles Versailles Chapelle royale 12/16/2016 - Anonyme : Hanacpachap à quatre voix
Tomás Luis de Victoria : Salve Regina à huit voix
Gaspar Fernand : A Belén me llego, tío à six voix
Tomás de Torrejón y Velasco : Desvelado dueno mio à cinq voix – A éste sol peregrino
Juan de Araujo : Vaya de gira à huit voix – Salve Regina à huit voix
Francisco Correa de Araujo : Canto llano de la Inmaculada Concepción – Magnificat
Matheo Romero : Romerico florido
Mateo Flecha : La Bomba
Diego José de Salazar : Salga el torillo à huit voix Mariana Flores (soprano), Leandro Marziotte (contre-ténor), Miguel Bernal (ténor), Matteo Bellotto (basse)
Ensemble Clematis, Solistes de la Cappella Mediterranea, Leonardo García Alarcón (direction)
L. García Alarcón (© Jacques Verrees)
Déjà invité à Versailles en juin dernier pour le Nabucco de Falvetti, Leonardo García Alarcón fait figure d’habitué depuis plusieurs années dans ce haut lieu de la royauté française. C’est précisément ce qui a interpellé le chef argentin, visiblement ému lorsqu’il s’est adressé au public en fin de concert, rappelant combien il était insolite d’interpréter en ces lieux la musique ibérique et sud-américaine de la période baroque, alors que la France et l’Espagne ont si souvent été opposées sur le terrain militaire. Nous n’en sommes évidemment plus là aujourd’hui, et c’est pour le plus grand plaisir d’un public ravi que le chef argentin a fait résonner son programme original, déjà révélé par le disque (Ricercar, 2013) et plusieurs fois donné en concert depuis, à la salle Gaveau ou à Ambronay notamment.
On a là une fois encore l’étalage de la passion qui anime Alarcón pour l’exploration du répertoire baroque dans sa plus grande diversité, de la réhabilitation de compositeurs méconnus (Falvetti entre autres) à la remise au goût du jour des chefs-d’œuvre délaissés (Eliogabalo de Cavalli, donné tout récemment à l’Opéra de Paris). La plupart des compositeurs réunis dans ce programme des «Carmina latina» ne dira absolument rien au grand public, guère plus aux connaisseurs - capables sans doute d’identifier Tomas de Torrejon y Velasco (auteur de La purpura de la Rosa, premier opéra composé en Amérique latine) ou Juan de Araujo (1648-1712). Pour autant, le chef argentin parvient à constamment recueillir l’intérêt par une construction habile de son programme (donné dans l’ordre indiqué plus haut, et non pas celui donné dans le programme de concert), alternant avec bonheur pièces recueillie, dansante et extravertie.
Le tout début du concert débute avec Hanacpachap, entonné lors d’une procession solennelle de l’ensemble des solistes et instrumentistes qui se dirigent lentement vers l’autel – Leonardo García Alarcón lui-même chantant ce chœur marial dans la langue péruvienne quechua. Si cette entrée surprenante est quelque peu gâchée par les applaudissements initiaux d’une partie du public, Alarcón ne se laisse pas désarçonner et enchaîne rapidement les autres pièces, toutes liées par le continuo du luth de Monica Pustilnik. Tout comme l’ensemble vocal Clematis, l’orchestre, composé de sept musiciens de la Cappella Mediterranea, se montre une fois encore excellent, au premier rang desquels le flûtiste et cornettiste Rodrigo Calveyra. A ses côtés, ce sont surtout les sopranos qui impressionnent, très sollicitées au début dans les pièces délicates, d’une ensorcelante poésie. Mariana Flores, épouse de García Alarcón, se montre impériale dans l’intention et la diction, toujours soutenue par un timbre de velours et la souplesse des transitions de registre. Petite voix, le contre-ténor Leandro Marziotte a pour lui un chant harmonieux, tandis que Matteo Bellotto se fait plus discret. Seul Miguel Bernal déçoit quelque peu avec son positionnement de voix à la limite de la justesse. Mais ce n’est là qu’un détail tant les airs virtuoses sont finalement rares, les pièces réunies privilégiant la polyphonie ou, en fin de concert, des moments festifs – comme la truculente Bomba de Mateo Flacha, où les quatre solistes se répondent en groupes de deux, telle une joute.
En bis, Leonardo García Alarcón reprend l’entraînant A este sol peregrino de Tomás de Torrejón y Velasco (1644-1728), avant de surprendre par le choix d’une chanson composée par Ariel Ramírez en 1969, avec des paroles du poète Felix Luna, admirablement interprétée par une Mariana Flores au diapason avec un public ravi.
Florent Coudeyrat
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